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Source : Grimoard - Lettres et mémoires choisi parmi les papiers originaux du Maréchal de Saxe - T.2 p.206

Le Comte DE CLERMONT au Maréchal DE SAXE.

A Anvers, le 29 mai 1746.

Quand j'arrivai hier ici, Monsieur le Ma­réchal, je trouvai que la place avoit fait des siennes : ils avoient fait un feu d'enfer sur notre batterie de canon de la droite, et l'avoient mis hors d'état de tirer ; celle de la gauche étoit aussi un peu mal menée. J'or­donnai hier au soir qu'on construisit une batterie à côté de celle du centre, qui pût battre à ricochet le front, depuis le bastion de Tolède jusqu'au bastion d'Hernando ; en ne tirant ses ricochets qu'avec fort peu de poudre, le boulet ne passera pas les ouvrages, ou du moins, s'il en arrive quelques-uns jusqu'à l'esplanade, ce ne sera qu'en roul­ant ; cela effarouchera peut-être le bourgeois, et s'il s'effarouche, je compte en profiter pour faire parler à quelqu'un de la ville, afin qu'il cherche à s'arranger avec le Com­mandant de la citadelle ; quelquefois dans ces occasions les petits moyens réussissent plus que les grands, et nous avons besoin d'en trouver ; car ces gens-là nous écrasent. Dans cette nuit, nous avons mis quatre pièces de canon de notre batterie de la droite en état de tirer, les autres pièces tireront demain matin ; celle de la gauche est réparée et tire ; celle du centre tire ; mais ils viennent tout-à-l'heure de démasquer une nou­velle batterie de douze pièces, qui bat continuellement notre batterie de la droite ; nous le leur rendons ; nos coups portent admirablement bien, et les leurs ne manquent pas non plus notre batterie.

Les zigzags, que nous avons poussés cette nuit, sont fort près de la palissade du che­min couvert, et sur-tout ceux qui se portent sur la demi-lune ne sont pas à dix ou douze toises de la palissade ; si bien qu'un sapeur s'est avancé jusqu'au chemin couvert qu'il a trouvé dégarni ; il y a apperçu une tente qu'il a prise et emportée ; des soldats en ont vu trois autres qu'ils ont été prendre aussi ; il y a lieu d'espérer que M. le Maréchal pourra être content demain matin du travail qui se fera aujourd'hui et dans la nuit ; mais il est essentiel de tâcher d'éteindre leur feu, ce qui n'est pas absolument facile, notre front d'attaque étant si peu étendu, que nous ne pouvons pas placer un nombre de batteries suffisantes, et que ces gens-là portent sur un même point toutes les forces qu'ils auroient été obligés de diviser, si nous avions fait une attaque plus étendue.

La nuit d'avant-hier à hier les ennemis ti­rèrent trois fusées volantes ; cette nuit ils en ont tiré six ; s'ils continuent, ils finiront par nous donner un feu d'artifice fort recréatif. Vous pouvez être sûr que je mets tous les soins et l'activité, dont je puis être ca­pable, pour que vous soyez content de nos opérations. Ne doutez pas, Monsieur le Maréchal, de l'inviolable et sincère amitié que j'ai pour vous.

J'oubliois de vous dire que je fais placer aussi quelques mortiers sur le zigzag, fait cette nuit du côté des palissades de la ville, qui tireront dans le bastion de Tolède.

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