Source : Grimoard - Lettres et mémoires choisi parmi les papiers originaux du Maréchal de Saxe - T.2, p.214
Le Comte DE CLERMONT au Maréchal DE SAXE.
Au Camp d'Hovorst, le 15 juin 1746.
Selon la lettre que vous m'avez écrite, M. le Maréchal, nous chanterons le Te Deum à la tête du camp, et nous ferons la réjouissance aujourd'hui 15.
L'on ma dit que M. d'Armentières avoit joint une partie du détachement des ennemis, qui s'étoit étendu jusqu'à Louvain, et qu'il les avoit forcés d'abandonner un village auprès de Louvain ; il me paroît, par leur manœuvre, qu'il est bien décidé que ces gens-là n'ont d'autre projet que d'éclairer les marches que vous pourriez faire dans cette partie ; s'ils en avoient eu d'autre, comme d'attaquer le poste d'Iteghem, ils auroient rodé autour ; s'ils avoient eu envie de tirer des fourages du pays, ils y auroient fait des commandemens, et je suis sûr qu'ils n'en ont point fait. S'ils avoient voulu se porter sur Mons, ou aller du côté de Maestricht, ils ne seroient plus dans le pays. Supposé qu'ils vous déplaisent dans la partie ou ils sont, on peut essayer de les en chasser ; mais je ne réponds pas que cela réussisse, parce que entre Arschot et Louvain il y a des bois qui seront toujours une retraite sûre pour un parti d'hussard qui n'est que de 7 ou 800 hommes. Cependant les émissaires que j'ai envoyés, disent que les lieux où ils se fixent sont à Arschot et Diest ; pour les attaquer, il faudroit qu'il sortit une troupe de 600 hommes de Louvain, qui se porteroit un peu au-dessus de Diest, tandis que je ferois avancer une autre troupe qui marcheroit sur le même point, passant par Tongerlo et Vesterlo, postes qu'il seroit nécessaire d'occuper par de l'infanterie, pour que le détachement que j'enverrois en avant se trouvât soutenu en cas de besoin, et qu'il pût s'avancer dans le pays avec sécurité ; il seroit en même temps nécessaire que M. de Beausobre s'avançât au-dessus de Vesterlo, où il seroit soutenu par le poste qui occuperoit le château, et seroit même à portée de s'opposer à la retraite des ennemis, s'il arrivoit qu'ils se jettassent sur cette partie, comme il y a grande apparence qu'ils feroient, sur-tout s'ils étoient informés qu'il paroît une tête du côté de Louvain. Pour parvenir au but de cette disposition, il seroit essentiel que je pusse convenir avec M. d'Armentières et M. de Beausobre de l'heure où chaque détachement devroit se trouver aux lieux indiqués, afin de manœuvrer de concert, pour que l'ennemi fût forcé de se retirer à la hâte, et sans être instruit des troupes qu'il pourroit rencontrer par différens chemins, ce qui peut-être le feroit donner dans le panneau. Ce que je propose, n'est pas une certitude de les battre, ni de les joindre, mais au moins de les effaroucher un peu. Comme cela ne laisseroit pas de mettre un nombre de troupes en l'air, pour peut-être ne pas réussir, c'est à vous, M. le Maréchal, de me donner vos ordres, et de voir si ces gens-là vous importunent assez où ils sont, pour essayer de les en faire déguerpir. Si c'est votre intention, ayez la bonté de mander à M. d'Armentière et à M. de Beausobre, que je pourrois faire une manœuvre pour tâcher d'envelopper le détachement qui est entre eux et moi, et pour laquelle il est nécessaire qu'ils agissent selon que je le leur manderai. Je leur enverrai un détail fort exact de ce que je compte faire de mon côté, de ce qu'ils doivent faire du leur, des lieux où il seroit essentiel qu'ils se portassent, de l'heure où ils doivent s'y rendre, et du but que nous nous proposons. Le seul moyen d'expulser cette canaille dépend de cet accord : je vous répète cependant que, malgré cet arrangement, si nos manœuvres ne sont pas fort secrètes, et qu'ils puissent les découvrir, qu'ils ne se retirent entre les bois d'Arschot et de Louvain ; ce qui rendroit cette opération infructueuse. Voilà un beau projet, et bien long pour venir peut-être à bout de 8 ou 900 hussards ou pandours ; j'aime mieux cependant, M. le Maréchal, vous ennuyer de cette proposition, que de ne le pas faire, si tant est qu'elle pût vous paroître utile.
Si vous voulez que ceci se tente, c'est bon pour une fois ; car si elle ne réussit point à la première, il est certain que ces gens-là auront reconnu la retraite des bois sous Arschot, et qu'on n'y reviendroit après de différente façon qu'infructueusement, et qu'on ne feroit que fatiguer les troupes mal-à-propos, et sur-tout celles que j'ai avec moi ; car il faudra que mon détachement soit environ de 1500 hommes, par les différens débouchés que je serai obligé de faire garder pour tâcher de couper leur retraite.