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Source : Grimoard - Lettres et mémoires choisi parmi les papiers originaux du Maréchal de Saxe - T.3, p.34

Le Maréchal D E SAXE au Comte D'ARGENSON.

Du 15 août 1746.

C'est avec une surprise extrême, Monsieur, que j'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 10, et que mon courier m'a remis le lendemain. Quoique je sois accoutumé à vos bontés, Monsieur, et aux marques de confiance dont S. M. m'honore, je n'avois pas pu imaginer qu'elle les portât si loin ; j'en suis pénétré jusqu'au fond de l'ame, et le desir de les reconnoître, l'emporte certainement sur les moyens d'y répondre. M. le Prince de Conti est parti le 12, et je n'ai pas eu le bonheur de le voir. Vous verrez, Monsieur, par les copies ci-jointes, ce que j'ai en l'honneur de lui écrire, et la réponse qu'il m'a faite. Cela s'est passé avec beaucoup de politesse, et sur-le-champ tout a été réglé : j'ai laissé le commandement de cette armée à M. de la Motte-Houdancourt, jusques aujourd'hui, qu'elle a été incorporée dans celle du Roi. M. de Salières veut bien m'aider de ses talens, et M. de Cremille en a une satisfaction parfaite ; tout le reste des Etats-Majors sera joint à celui de l'armée du Roi, et MM. de Salières et Chauvelin serviront dans leur qualité de Lieutenant-Général et de Maréchal-de-Camp.

L'armée de Conti a marché le 14, et s'est portée, sans avoir été suivie, au camp de Libestat, appuyant sa droite à Niel-pierreux.
J'ai marché hier avec l'armée du Roi, et ai porté ma droite à la trouée des Cinq-Etoiles, et ma gauche dépasse le Mont-St-André, laissant le ruisseau devant elle.

M. le Comte de Lowendal occupe toujours le poste de la trouée des Cinq-Etoiles. J'ai été attaqué à ma tête et à ma queue pendant cette marche ; il a fallu marquer le camp et le disputer à coups de fusil contre une nuée de hussards et de pandours, et M. d'Aultanne, qui faisoit mon arrière-garde, et qui a fort bien manoeuvré, a été suivi jusqu'aux Cinq-Etoiles, sans être entamé par M. de Waldeck, qui avoit 2 à 3000 hommes de hussards et de compagnies franches avec lui.

L'armée de M. le Prince de Conti a marché aujourd'hui, et s'est incorporée dans l'armée du Roi dans ce camp : nous avons été obligés de laisser M. le Comte de Clermont dans son quartier de St-Paul, et voici les précautions que j'ai prises pour sa sûreté.

Dès le 13, j'avois demande un passe-port à M. de Bathiani pour ce Prince, qu'il m'a envoyé pour lui et son escorte ; mais comme il s'est trouvé hors d'état d'être transporté, j'ai écrit à M. de Bathiani, la lettre dont vous trouverez, Monsieur, la copie ci-jointe ; ainsi je crois avoir entièrement pourvu à sa sûreté, et d'une manière convenable à son rang.

Je compte marcher demain, et appuyer la droite de l'armée du Roi aux Cinq-Etoiles, le quartier-général à Ottomont, et la gauche à Sandrouil. Le corps de M. le comte de Clermont, que commande actuellement M. de Berchini, est campé, sa droite au Mont-St-André, et sa gauche à Autre-Eglise. Il marchera demain, et je compte de le placer sa droite à Ort-le-petit, et sa gauche à la tombe d'Avesnes, le ruisseu devant soi.

La position de ce corps donnera jalousie aux ennemis pour Maestricht, ce qui les obligera peut-être de s'y porter, d'autant plus que s'ils restent derrière la Mehaigne, ils courent risque d'être affamés : si donc ils passent la Mehaigne ou longent la Meuse vers Maestricht, je pourrai passer en-dedans de la Mehaigne, et tâcher de jetter des ponts sur la Meuse au-dessous de Namur ; si je puis parvenir à ce point, il sera possible d'entreprendre ce siège, et je pourrai faire descendre sur la Sambre et sur la Meuse toutes les choses nécessaires à cette opération.

J'ai envoyé M. le Marquis de Clermont-Gallerande avec une brigade d'Infanterie, deux régimens de dragons, et un d'hussards, à Judoigne, pour la facilité des convois de pain qui nous viennent par Bruxelles et Louvain.

M. de St-Germain est placé au château de Tervère avec la brigade de Micault et un régiment de dragons, pour protéger la communication de Bruxelles à Louvain.

Dans Louvain, il y a la brigade de milices de Pandreau, avec un régiment de dragons.

Cette disposition, Monsieur, vous indiquera le chemin que le Roi doit tenir, s'il nous honore de sa présence.

J'enverrai au-devant de S. M. les escortes pour la conduire de Gand à Bruxelles, et renforcerai la communication en général par d'autres troupes, que je placerai ; mais il faut que je sois averti de l'arrivée du Roi à Gand 5 à 6 jours à l'avance, bien entendu que l'armée du Roi se trouve pour lors à la gauche de la Mehaigne, car si elle étoit en dedans, il faudroit que S. M. vînt par Valenciennes, et alors je disposerois les escortes d'une autre manière.

M. de Ségur est placé sous Philippeville : j'ai l'honneur de vous envoyer la disposition de ses troupes, et qui pourra nous servir pour le passage de la Meuse et pour le siège de Namur, s'il a lieu.

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