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CHAPITRE V
MILICES DE FRANCE

 

Les ordonnances que nous avons rapportées au chapitre III donnent les détails les plus complets sur l'organisation, la levée, la solde, l'habillement de la milice ; nous n'aurons donc que peu de mots à ajouter ici.

 

Effectif.

Les 112 bataillons complétés à 600 hommes en 1742 furent maintenus pendant 6 ans par des levées successives. De 1748 à 1756, les miliciens furent assemblés 10 jours par an, les grenadiers pendant un mois. En 1756, les bataillons furent réunis, les régiments de grenadiers royaux rétablis sur l'ancien pied et 21 bataillons, dits de garnison, furent tirés des bataillons de milice par 2 compagnies de 85 hommes ; envoyés aux armées en campagne, ils servirent au recrutement des régiments, malgré les ordonnances. Les cadres retournèrent au dépôt et se remplirent de miliciens nouveaux. En 1758, création de 2 nouvelles compagnies à 90 hommes et nouvelle incorporation ; en 1760, la milice sert directement au recrutement, et nouvelle formation de 24 bataillons mobilisés à leur tour. Sans exagération, on peut estimer à 60,000 le nombre des miliciens incorporés, au mépris des ordonnances, de 1756 à 1762. Celui des miliciens entretenus dans leurs bataillons était de 100,800 hommes (1,120 compagnies à 90 hommes) ; celui des grenadiers royaux 12,320 hommes (112 compagnies à 110 hommes). Qu'on ajoute à ces nombres les miliciens gardes-côtes, Boulonnais, Normands et Bretons, on voit quel effort faisait la nation pour soutenir le roi dans sa guerre contre l'Angleterre et la Prusse.

 

Grenadiers royaux.

Au chapitre III, nous avons vu comment furent formés, de 1742 à 1745, les 9 régiments de grenadiers royaux. Leur compagnie comptait 50 hommes et 3 officiers ; on les renforça, en 1746, d'une compagnie de 60 miliciens choisis avec soin appelés grenadiers postiches, commandés par 2 officiers, et, dès lors, dans les 9 régiments de grenadiers la compagnie fut complète à 110 hommes et 5 officiers. Organisation définitive en 1756.

Le milicien devait recevoir de la paroisse le petit équipement, et du roi l'armement et l'habillement ; la solde devait lui être payée sans retenue, et, par conséquent, était relativement préférable, quoique insuffisante, à celle des soldats de troupes réglées.

L'habit gris blanc, à boutons de métal blanc, poches en travers à 4 boutons, chapeau bordé de galons de fil blanc, veste, culotte, guêtres, équipement, etc., semblables aux régiments d'infanterie française. Les tambours portaient l'habit bleu bordé de la livrée du roi.

Les grenadiers royaux, comme marque distinctive, portaient sur les épaules une pattelette de tresse mélangée bleu et blanc, avec houppe de laine bleue. En 1771, chaque régiment prit la frange de couleur distinctive.

Le régiment comptait 10 compagnies en 2 bataillons, un seul drapeau par bataillon.

Les bataillons de milice aux armées devaient prendre rang avant les régiments créés depuis 1726, les régiments de grenadiers marchant les premiers.

 

Anciennes milices spéciales aux provinces.

Le Boulonnais devait, par sa législation particulière, fournir au comte de Boulogne un contingent de troupes entretenues et mobilisables en temps de guerre. Louis XI, devenu comte de Boulogne par échange du Lauraguais avec Bertrand de Latour d'Auvergne, exigea ce service militaire et ses successeurs pareillement. Depuis lors, le Boulonnais, en temps de guerre, levait par tirage au sort, avec remplacement à prix d'argent, un contingent qui, en 1672, fut fixé à 3 régiments d'un bataillon de 13 compagnies de 45 hommes. Ces 3 régiments furent toujours au complet pendant les guerres de Louis XIVet de Louis XV, jusqu'en 1763.

Les milices spéciales à la Lorraine et au duché de Bar, sont comptées parmi les 112 bataillons des milices de France. Cependant elles formèrent en outre 2 régiments semblables aux grenadiers royaux, sous les noms de Royal-Lorraine et Royal-Barrois.

La ville de Paris, jusqu'en 1741, fut exemptée du tirage au sort. A cette époque, elle fut autorisée à substituer aux miliciens qu'elle aurait dû faire tirer au sort un régiment de 3 bataillons à 6 compagnies de 100 hommes mercenaires, engagés pour 6 ans, habillés, équipés, armés à ses frais (sauf le fusil), vrais soldats de profession, quoiqu'ils comptassent sur les états de la milice. Ce régiment subsista jusqu'en 1775.

La province de Navarre devait lever, par tirage au sort, un régiment de 24 compagnies de 50 hommes, ne devant servir qu'en Navarre. Le colonel de ce régiment avait le privilège de l'assembler sans prendre les ordres du ministre de la guerre. Les États de Navarre devaient pourvoir à sa solde et à son entretien.

Le Béarn entretenait un régiment semblable, de 3 bataillons à 13 compagnies ; là, les places d'officier étaient héréditaires et non vénales. Ces deux régiments fournirent de nombreux soldats au régiment Cantabre volontaire, de 1745 à 1748, et Royal Cantabre de 1756 à 1762. Voir chapitre X (troupes légères).

Le Roussillon levait 5 bataillons de 10 compagnies, qui servaient dans les forteresses de la province. Il fournit de nombreuses recrues au régiment fusiliers de montagne. Voir chapitre X.

La Bretagne avait aussi conservé son organisation militaire spéciale, en 8 régiments, dont les cadres existaient encore en 1745, mais qui, faisant double emploi avec les milices organisées en 1726, ne furent plus assemblés régulièrement ; pourtant il est possible que ces miliciens aient pris une part active à la bataille de Saint-Cast, en 1758.

L'ordonnance de 1762, prononçant la dissolution des milices, mit fin à l'existence de toutes ces milices particulières.

En 1765, Choiseul, sentant l'insuffisance des régiments de recrues, rétablit le tirage au sort dans les paroisses, sans toutefois oser assembler les miliciens à cause de la dépense.

En 1773 seulement, en conformité des ordonnances relatées au chapitre III, les grenadiers royaux furent de nouveau assemblés. Alors, leur uniforme, semblable à celui de l'infanterie, avait le collet et les parements bleus, 6 boutons de 2 en 2 sur le revers, 4 gros au dessous, 4 sur le parement, 4 sur la poche en travers. Ces boutons, en métal blanc, étaient timbrés d'une grenade godronnée de 5 fleurs de lys. Chapeau bordé d'argent.

Les épaulettes, de couleur différente, distinguaient les régiments entre eux.

Nous donnons pour mémoire le tableau des quartiers d'assemblée de ces régiments, bataillons et compagnies de grenadiers, qui indiquent les quartiers des 112 bataillons de milices pendant tout le XVIIIe siècle.

Cette organisation, détruite par le comte de Saint-Germain qui incorpora les miliciens dans les régiments, fut rétablie, sauf de légères modifications, en 1779, et dura jusqu'à l'établissement de la garde nationale, milice restaurée sous un autre nom en 1790.


OBSERVATION. — Il faudrait ajouter à ces nombres l'infanterie des corps de troupes légères levés pendant les guerres, et qui sont portés au chapitre des dragons et troupes légères. Leur effectif était environ de 8,000 fantassins, étrangers pour la plupart.

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