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LIVRE III

CAVALERIE DITE LÉGÈRE, FRANÇAISE ET ÉTRANGERE

 

CHAPITRE VII
CAVALERIE FRANÇAISE

 

Les corps de troupes à cheval formaient au XVIIIe siècle deux classes bien distinctes.

Les plus anciennement créés, c’est-à-dire les compagnies de la gendarmerie de France et de la maison du roi, ne recevaient dans leurs rangs que des soldats volontaires, gentilshommes s’entretenant de leurs deniers.

Les autres, les régiments de la cavalerie dite légère, les dragons, les hussards, etc., n’admettaient guère que des soldats mercenaires. C’est de ceux-ci que nous allons parler dans ce chapitre.

Dans les régiments de cavalerie on enrôlait pour 6 ans, moyennant la somme de 40 livres, un homme, haut de 5 pieds 4 pouces (1 mètre 71), sain et bien proportionné, âgé de 18 ans au moins, de 40 ans au plus.

Le capitaine était seul propriétaire des hommes, des chevaux, du matériel, des vêtements, des armes.

Une compagnie était tarifée 12,000 livres aux régiments royaux, 10,000 livres aux régiments des princes du sang, 8,000 aux autres régiments dits de gentilshommes.

Le régiment lui-même était tarifé 100,000 livres au profit du mestre de camp lieutenant d’un régiment royal (le mestre de camp titulaire était le roi) ; 62,500 livres pour les régiments des princes du sang, et 22,500 livres pour les régiments de gentilshommes. Ces différences inexpliquées doivent provenir de l’usage où le roi était d’accorder une pension à celui qui commandait un régiment lui appartenant, autant que par la quasi-certitude de ne pas être atteint par une réforme.

Le cardinal de Richelieu, en 1635, pour former la cavalerie qui devait prendre part à la guerre en Allemagne, organisa sur le type allemand quelques anciennes compagnies d’ordonnance françaises et prit à la solde de France les 16 régiments de Bernard de Saxe-Weymar. Désorganisée pendant les guerres civiles de la Fronde, cette cavalerie fut réorganisée par le maréchal de Turenne, colonel général de la cavalerie légère. Seul il avait, par cette charge, qualité pour conférer le grade d’officier de cavalerie.

Le colonel général était assisté, dans ses diverses fonctions, par le mestre de camp général, et, en 1654, par le commissaire général de la cavalerie, officiers qui le suppléaient dans les camps et aux armées.

D’un commun accord, avec le roi et le ministre, Turenne abandonna, en 1661, les nominations au grade d’officier, ne se réservant que le droit de désigner le corps où servirait le nouvel admis.

C’est ce qu’on appela recevoir ou prendre l’attache du colonel général. En outre, à l’instigation de Turenne le roi créa en 1658, les brigadiers de cavalerie, officiers supérieurs en grade aux mestres de camps, propriétaires des régiments, institution imitée depuis pour l’infanterie. En 1694, cette organisation fut renouvelée par la création d’un directeur de la cavalerie légère, assisté de 9 inspecteurs généraux, qui ne laissèrent au colonel général et à ses lieutenants qu’un titre honorifique.

En campagne même, les fonctions du colonel général et de ses suppléants furent remplies par le major général de la cavalerie, qui transmettait aux troupes à cheval les ordres de marche, de campement, de bataille, du commandant en chef.

Le nombre des brigadiers de cavalerie, à peine de 60 pendant tout le règne de Louis XIV, était de 90 en 1740, et atteignit 161 en 1762, sans compter les 25 brigadiers spéciaux aux dragons. Ce nombre exagéré motiva, sans l’excuser, la déclaration du maréchal de Belle-Isle, qui pour se délivrer des sollicitations des courtisans, rétablit l’équivalence des grades de mestre de camp et brigadier.

Au XVIIIe siècle tous les régiments ne comptaient pas toujours le même nombre d’escadrons. Mais, invariablement, l’escadron était composé de 4 compagnies, de 25 cavaliers, en temps de guerre 35, par conséquent 140 chevaux de troupe et 8 officiers ; il avait, pour se guider dans ses évolutions, deux étendards portés par les officiers appelés cornettes, qui se plaçaient aux 5es files de droite et de gauche de l’escadron.

Cet étendard était fait d’un carré de soie de 1 pied 6 pouces de côté, (0m 50) en gros de Tours, de couleur particulière à chaque corps. Sur une face, les armes du mestre de camp propriétaire étaient brodées en or et argent, sur l’autre la devise du roi et le soleil.

La hampe avait 8 pieds 1/2 de hauteur ; sous le fer de la lance on attachait, en campagne seulement, la grande écharpe blanche distinctive de France. Ces étendards étaient confiés aux deux premières compagnies de l’escadron. En temps ordinaire, ils étaient portés par des brigadiers. Le chef de corps fournissait ces étendards, lorsqu’il prenait possession de son régiment.

Un seul étendard blanc existait pour toute la cavalerie, c’était celui de la compagnie colonelle du colonel général. Il était porté par un officier qu’on appelait porte-cornette blanche au régiment. Le colonel général avait aussi dans sa suite un autre officier qui portait l’étendard, insigne de son autorité et qu’on appelait la cornette blanche de France.

Chaque compagnie appartenait à un capitaine qui seul payait toutes les dépenses. Un lieutenant lui était adjoint pour l’assister dans le commandement, et, en temps de guerre seulement, on mettait un jeune gentilhomme sous ses ordres avec le grade de cornette, quoiqu’il n’eût souvent pas d’étendard à porter.
Le maréchal des logis, unique de son grade, était nommé et choisi par le capitaine, parmi les brigadiers du régiment. Chargé de l’instruction militaire, du dressage des chevaux, de la conservation et de la réparation du matériel, il devait être l’homme de confiance du capitaine. Sous ses ordres, il avait 2 brigadiers ayant chacun 11 ou 16 maîtres à commander.

On appelait maîtres par politesse les cavaliers, car c’est ce terme qu’on employait envers les gendarmes, gentilshommes ayant quelquefois à leur côté un valet monté.

Les régiments étaient administrés comme ceux de l’infanterie par un major et un aide-major qui surveillaient l’instruction, la police, la comptabilité des compagnies. Le commissaire des guerres vérifiait la qualité et la quantité des fournitures. L’inspecteur général rendait compte au roi de l’état des régiments.

 

Solde.

En quartier d’hiver la solde était complète en argent. En campagne, le roi fournissait les vivres et le fourrage, à moins que l’on pût fourrager en pays ennemis, la solde était alors réduite. La solde d’étape était toujours fournie en nature, augmentée d’un petit versement en argent fait à la masse d’entretien.
La ration d’étape du cavalier était de 36 onces de pain, une livre de bœuf ou mouton, un pot 1/2 de boisson, cidre, bière, etc., ou une pinte de vin, le tout estimé 9 sols en 1745. La ration de fourrage était de 15 livres de foin sec, 5 livres de paille, 2/3 de boisseau d’avoine. Cette ration était estimée 7 sols en 1740.

En 1749, M. d’Argenson diminua ces quantités au grand préjudice du soldat.

La solde complète en argent, pour le quartier d’hiver, était ainsi tarifée en 1744.

Il était absolument interdit aux officiers d’acheter ou vendre les rations de vivres ou de fourrage qui toutes devaient être consommées par la troupe ou la suite des officiers.

Pour entretenir sa compagnie, le capitaine recevait, à titre d’ustensile, autant de fois 45 livres qu’il avait d’hommes passés présents à cheval aux revues de printemps et d’automne, plus 2 places à 45 livres pour son maréchal de logis, 3 pour la cornette, 4 au lieutenant et 6 pour lui-même.

Sur la place d’ustensile, 30 livres étaient versées à la masse d’entretien du matériel, vêtement, etc., et 15 livres étaient remises à chaque soldat, en 5 paiements, chacun d’un écu, pour payer ses culottes, cravates, gants, souliers, etc., objets appartenant en propre au cavalier.

La remonte et le dressage des chevaux étaient à la charge du capitaine. Pour cela, il recevait 800 livres par an pour entretenir 46 chevaux, dont 6 pour lui-même. Cette somme, fixée en 1702, resta la même jusqu’en 1758. Le maréchal de Belle-Isle, en reconnaissant l’insuffisance, la fit porter à 1200 livres annuelles.

En 1742, un bon cheval haut de 4 pieds 6 pouces, mesuré du garrot jusqu’à terre, valait 300 livres environ. Le prix s’augmenta considérablement pendant la guerre, surtout pour les chevaux dressés. Cependant, tout cheval d’augmentation était payé au capitaine après acceptation par le commissaire des guerres 200 livres. L’habillement et l’armement d’un nouveau cavalier étaient payés 80 livres. Il est vrai que le roi fournissait le drap de l’habit et le mousqueton. Le reste était fourni par le capitaine. En ces conditions, on comprend aisément qu’une compagnie de cavalerie valût 12,000 livres.

Le système n’était pas mauvais, à condition de maintenir les indemnités aux capitaines à la hauteur des dépenses. Un inconvénient grave cependant doit être signalé, c’est que l’instinct du propriétaire combattant quelquefois, chez les capitaines, les devoirs du soldat, certains d’entre eux ménageaient tellement leurs hommes et leurs chevaux, qu’il était difficile de les faire combattre ou même aventurer. (Drumont). Un autre inconvénient, c’est que, dans la compagnie, tout dépendait des facultés morales et pécuniaires du capitaine. Lorsque, par les ordonnances de décembre 1742, et juillet 1743 tous les régiments furent portés à 4 escadrons, on donna commission de capitaine à des jeunes gens à peine capables d’être cornette. Les lieutenants furent tirés de la maison du roi. Les maréchaux des logis et brigadiers pris à la hâte dans les compagnies ; pour remplir les cadres, le jeune capitaine se montrait peu scrupuleux pour l’admission des hommes de recrue, on fit venir des chevaux neufs qui tombèrent malades, l’équipement, l’habillement augmentèrent en notable proportion la dépense de tous les capitaines. Le capitaine était forcé de ramener 10 hommes de nouvelle levée, le lieutenant 6, le cornette 4, le maréchal de logis 2. Malgré cela, ces compagnies, décrétées en 1743, purent difficilement prendre part à la campagne de 1746, et tous les hommes de guerre, écrivains contemporains, se plaignaient de la faiblesse de la cavalerie française. Tous réclamaient l’incorporation des miliciens, comme une mesure qui leur aurait singulièrement facilité l’ouvrage, ne se doutant pas qu’ils demandaient une révolution complète dans le système militaire. Ajoutez à ces causes un armement défectueux, depuis que les cavaleries allemande et anglaise usaient des grandes épées de 37 pouces, tandis que la française conservait ses épées de 33 pouces, qui ne permettaient pas, en escadron, d’atteindre même hors d’assiette d’autres cavaliers. Les mousquetons, excellents sous Louis XIV, étaient insuffisants devant les armes perfectionnées du XVIIIe siècle. Tout demandait donc une grande et prompte amélioration.

 

Habillement. Uniforme (de 1722 à 1762).

Depuis Louis XIV jusqu’en 1760 l’habillement ne fut que fort peu modifié. L’habit gris, plus ou moins blanc, était porté par tous les régiments de princes ou de gentilshommes. Les régiments royaux seuls portaient l’habit bleu,

Le surtout à la française, ou habit d’uniforme, était très large, à 2 rangs de boutons, par devant croisant sur le buffle par dessus la cuirasse en plastron, ou porté ouvert, les revers attachés aux boutons. Ce revers avait 4 pouces de largeur auprès des épaules, 2 pouces 8 lignes vers l’estomac et 16 ou 18 pouces de hauteur, selon la grandeur de l’homme. Le revers dit à la bavaroise se prolongeait jusqu’au bas de l’habit.

Jusqu’en 1750, bien des régiments ne retournaient point ce revers ; l’ordonnance l’établit pour tous, sauf les cuirassiers du roi, Royal Allemand et Royal Pologne, qui portaient l’habit dit à la polonaise. L’habit à la française devait tomber à 1 pouce de terre l’homme étant à genoux. On employait pour le faire, 2 aunes 1/2 (3 mètres) de drap en 1 aune de large (1 m. 20), plus 1/4 d’aune pour les revers et les parements, 3 aunes de serge d’Aumale, pour doublure, 38 gros boutons et 4 petits.

Le collet d’un pouce de hauteur était serré sur le cou par une cravate d’étamine noire faisant double tour et attachée par des rubans noirs. Les bouts de la cravate étaient doublés de toile. Le manteau exigeait 4 aunes de drap de même couleur que l’habit avec doublure en parement de serge d’Aumale. Sur la poitrine 3 agréments de couleur semblable aux épaulettes. Les manches de l’habit descendaient sur l’articulation du poignet, les parements, retroussés par 4 gros boutons, pouvaient s’abattre sur les mains ; ils avaient 6 pouces de hauteur, 1 pied 6 pouces de tour (48 centimètres). Les pattes de poche taillées en large étaient maintenues par 4 boutons, une patelette, appelée épaulette, maintenait la bandoulière du mousqueton. L’habit se portait retroussé à cheval au moyen d’une agrafe et d’un crochet cousus sur la doublure à 2 pouces des coins, placés sur des morceaux de drap découpés en forme de cœur. Sous l’habit, les cavaliers portaient un buffle ou veste en cuir de bœuf dont la taille fort longue couvrait le sacrum et les pans, de 9 pouces plus courts que ceux de l’habit, s’agrafaient de la même manière. Ce buffle, joint sur la poitrine par des agrafes, des boutons, ou des boucles, etc., croisait de gauche à droite. Les manches ornées d’un parement de drap rouge boutonnant le long du bras. A l’exercice, les cavaliers étaient toujours en buffle. Chacun possédait une culotte de peau à double ceinture descendant bas sur le mollet et une autre culotte de panne rouge doublée de toile. Les gants en peau ne servaient qu’aux revues.

Le chapeau pesait 13 ou 14 onces. Il était galonné d’argent ou d’or faux. Jusqu’en 1750 il était garni intérieurement d’une calotte de fer. A cette époque, on remplaça cette calotte par une couronne qui emboitait la forme du chapeau. Les bords du chapeau étaient exactement arrondis et dépassaient, relevés, le fond du chapeau d’un pouce 9 lignes. On retapait le chapeau de manière que la corne du devant fût d’un pouce plus courte que les 2 autres. Le galon qui le bordait, était large ou étroit selon l’usage, généralement on mettait 12 lignes en dehors, 4 en dedans. Le galon du maréchal des logis et des officiers avait 24 lignes dont 6 en dedans. Le chapeau se portait bien enfoncé sur les yeux, la pointe au-dessus de l’œil gauche. La cocarde était faite d’un ruban de soie noire de 5/8 d’aune sur 10 lignes de large. Les cavaliers possédaient aussi un bonnet d’écurie et un sarrau de toile.

Les cheveux, généralement mal peignés, très longs, tressés en nattes en queue, ou enfermés dans une bourse, à l’imitation des gentilshommes, retombaient sur les yeux et même jusqu’à la bouche des cavaliers.

L’armement et l’équipement d’un cavalier, excellents du temps de Louis XIV, n’avaient point changé depuis lors :
1° Un mousqueton de 3 pieds 6 pouces, mesuré de la crosse à la gueule, le canon (2 pieds 6 pouces) de même calibre que le fusil d’infanterie ;
2° Une paire de pistolets de 16 pouces, même calibre. Canon de 11 pouces de longueur ;
3° Une cuirasse-plastron de fer bruni assujettie sur le buffle par des courroies croisant sur le dos. Le régiment des cuirassiers seul portait la cuirasse double.
4° Une calotte de fer dans le chapeau et, en 1750, placée au-dessus, maintenue par des pattes en cuir. Elle avait 3 ouvertures pour permettre le passage des cordons qui tenaient les ailes du chapeau relevées. Cette calotte est représentée planché 33 ;
5° Un sabre droit, de 33 pouces, évidemment trop court depuis que les ennemis, Impériaux, Prussiens, Anglais, employaient le sabre de 37 pouces.

On portait le ceinturon bas sur le buffle, de telle sorte que la main, pendant au corps, portât sur le fourreau au-dessous et contre la garde de l’épée.

Le ceinturon, représenté figure 6, planche 33, consistait en une bande de cuir de buffle longue de 3 pieds 6 pouces, large de 2 pouces 6 lignes, avec boucle munie de 2 ardillons qu’on plaçait par devant.

La bandoulière du mousqueton était en buffle, longue de 5 pieds 2 pouces, même largeur que le ceinturon ; elle était garnie d’un crochet porte-mousqueton. Les régiments royaux la portaient blanche, les autres en cuir jaune.

Jusqu’en 1737 les cavaliers portaient la botte forte. A cette époque, ils firent usage de la botte molle représentée planche 33.

L’habillement des officiers était semblable ; la qualité du drap faisait seule la différence. Les officiers portaient l’épée à la mousquetaire à garde dorée, une paire de pistolets et une cuirasse double. Avant 1759, sur l’épaulette de drap, on cousait une petite frange en fil d’argent, simple pour les officiers subalternes, en nœuds de cordelière pour les colonels et lieutenants-colonels. L’usage de l’épaulette réglementaire distinctive du grade date de 1763.

Les trompettes et le timbalier étaient vêtus par le mestre de camp propriétaire, qui leur fournissait un habit à sa livrée. Les chevaux étaient fournis par les capitaines, celui du timbalier par leurs cotisations.

Le mestre de camp propriétaire fournissait aussi les timbales ornées de leur housse, les trompettes avec leurs banderoles et les étendards qui le plus souvent portaient leurs armoiries d’un côté et de l’autre toujours la devise du roi.

La planche 33 représente le tablier de timbale et la banderole des trompettes du régiment Anjou cavalerie à peu près semblables à ceux en usage dans tous les régiments appartenant au roi. Le justaucorps du timbalier, couvert de velours et de soie, coûtait fort cher. Ainsi celui du régiment royal de carabiniers coûta, en 1723, 237 livres. Le galon seul de velours et argent qu’on employait pour le confectionner coûtait 166 livres. Le bonnet coûtait 30 livres.

 

Harnachement.

Jusqu’en 1750, on fit usage d’une selle particulière, décrite dans les traités spéciaux, plus élevée au pommeau qu’au troussequin, placée de telle sorte que le cavalier chevauchait presque sur le garrot de son cheval. En 1759, on adopta une autre selle mieux faite qu’on plaçait plus en arrière, mais, par une négligence blâmable, on n’augmenta pas la longueur du sabre.

La housse et les chaperons des fontes étaient en drap de couleur, galonnés de la livrée du mestre de camp.

Les chevaux étaient de taille moyenne, hauts de 4 pieds 7 pouces environ, âgés de 5 ans au moins, de 16 au plus, Lors d’une revue les crins étaient nattés au toupet, ornés d’une rosette en ruban. La crinière formait 3 nattes, une cocarde à l’oreille droite. La queue à tous crins, laissée flottante, était ornée à la racine d’une grande rosette pour laquelle on donnait un ruban de 3 pouces de large et 1 pied 1/2 de long.

 

Le harnachement à la française. — On accordait pour la housse une aune de drap de Lodève pour la troupe, de Romorantin pour les maréchaux des logis, drap d’Elbeuf pour les officiers. Elle était galonnée d’argent pour les officiers. En marche, un cheval de troupe portait environ 320 livres, savoir : cavalier habillé, 210 livres ; cuirasse, 14 livres ; armement, 17 livres ; havresac, 12 livres ; havresac d’écurie, 21 livres ; selle et accessoires, 40 livres ; 4 jours de vivres, fourrage, cordes et toile de tente.

 

RÉGIMENT DES CARABINIERS

Parmi les 58 régiments de cavalerie, un mérite une mention particulière : c’est le régiment Royal des carabiniers.

On appelait carabinier un soldat aguerri, qui était armé d’une carabine rayée à balle forcée.

Il y avait 2 carabiniers dans chaque compagnie de cavalerie. En 1690, Louis XIV ordonna de réunir en compagnies tous les carabiniers d’un même régiment, et, en 1693, ces compagnies furent rassemblées en un corps qu’on appela le régiment Royal des carabiniers. Ce qui n’empêcha pas de maintenir les 2 carabiniers dans chaque compagnie comme autrefois. En 1740, ce corps était divisé en 5 brigades, chacune de 2 escadrons à 4 compagnies.

Chaque armée en campagne recevait au moins une brigade qui restait à la disposition du général pour l’employer à son gré.

Dans ce corps, les compagnies appartenaient en propriété au roi, qui seul payait toutes les dépenses, par conséquent, elles n’étaient point vendues. Les hommes étaient fournis à tour de rôle par chacune des compagnies de cavalerie. Ils devaient avoir 24 ans au moins, 40 au plus, être Français, élevés à la campagne. Le roi payait 60 livres au capitaine qui le fournissait. L’armement était celui de la cavalerie, sauf la carabine rayée qui avait 30 pouces de canon, avec laquelle on lançait, selon la nécessité, des chevrotins ou des balles forcées à coup de maillet.

L’habit bleu était celui des régiments royaux, qui n’avait comme marque distinctive qu’un bordé d’argent fin sur le parement.

Les officiers portaient le chapeau orné de plumes blanches, l’équipage était galonné de soie blanche. Le régiment était monté sur des chevaux noirs de 4 pieds 8 pouces.

On comprend qu’à la tête d’un tel escadron un brillant et jeune officier pût se distinguer ; aussi, les premiers de la cavalerie, ils pénétrèrent dans la colonne anglaise, à Fontenoy, sur le front de laquelle s’étaient rompus les escadrons de la maison du roi.

Chacune des 5 brigades était forte de 8 compagnies toujours complètes à 35 maîtres et 3 officiers. Comme le roi payait toutes les dépenses, on a pu conserver, dans les archives du ministère de la guerre, le prix de revient d’un carabinier armé et monté, en 1721, En voici le décompte :

Le prix des objets ci-dessus relatés avait certainement dû s’accroître de 1721 à 1760 et pourtant, à cette époque, le roi n’accordait encore que 350 livres pour un cavalier armé et monté. On peut ainsi juger de quel fardeau étaient la levée et l’entretien d’une compagnie de cavalerie.

 

Effectif.

Avant les grandes guerres du XVIIIe siècle, il existait, sur pied de paix, 57 régiments de cavalerie française et étrangère, savoir : 37 à 3 escadrons 19 à 2 escadrons et Royal de carabiniers à 10 escadrons. Dans ce nombre ne sont pas comptés les hussards, qui pourtant faisaient partie de la cavalerie dite légère, mais qui sont, à notre avis, mieux placés dans le chapitre suivant avec les dragons et les troupes légères. 3 régiments de cette cavalerie étaient composés de cavaliers d’origine ou de naissance étrangère, 2 allemands et 1 régiment irlandais.

Les régiments français comptaient 25 maîtres par compagnie, sur pied de paix, 35 maîtres et même 40 en 1744, sur le pied de guerre. La compagnie se composait de 1 capitaine, 1 lieutenant et 1 cornette en temps de guerre seulement. Cependant, en temps de paix, on conservait la cornette dans les compagnies à étendard (2 par escadron) ; 1 seul maréchal des logis, 2 brigadiers, 2 carabiniers, 1 trompette et un nombre variable de maîtres.

La compagnie allemande comptait en plus 2 cadets par compagnie. Dans ces régiments étrangers, il y avait une prévôté. La solde y était un peu plus élevée pour les officiers, mais était la même pour les soldats que pour les Français. Pendant la guerre de Succession, cette cavalerie fut augmentée de 81 escadrons sans création de nouveaux régiments. A la paix, on réforma la moitié des compagnies en établissant uniformément tous les régiments à 2 escadrons, sauf le 1er qui en conserva 3 et on créa 2 régiments de 8 compagnies à 25 maîtres avec les compagnies supprimées aux régiments royaux.

En 1750, il y avait donc 59 régiments de cavalerie dont 57 à 2 escadrons, 1 à 3 et 1 régiment de carabiniers à 10 escadrons.

Lors de la guerre de 7 ans, on eut bien de la peine à mettre ces compagnies sur pied de 35 maîtres. On devine la détresse de la cavalerie lorsque le duc de Choiseul, le 1er décembre 1761, ordonna que les 2 derniers régiments seraient incorporés dans les 27 plus anciens mis à 4 escadrons et que les compagnies non employées aux armées seraient réduites à 20 chevaux qui devaient servir à l’instruction de 40 maîtres. La guerre durait encore. Le prix des régiments conservés fut tarifé 60,000 livres (au lieu de 100,000) et toutes les compagnies à 10,000 livres. Le produit de la vente des chevaux d’excédent devait payer une partie des dettes énormes des compagnies.

Aussi l’ordonnance du 21 décembre 1762 fut-elle accueillie avec une joie compréhensible par tous les officiers de cavalerie qui abandonnèrent la propriété de leur compagnie et toutes les sommes qui leur étaient dues pour être affranchis des soucis, de l’entretien, des recrues et de la remonte.

De ce jour, le roi prit l’engagement de fournir les chevaux à tout le monde, même aux officiers. Il se chargea du matériel, etc. La vente des compagnies fut interdite, et par une anomalie bizarre on continua à pouvoir vendre le régiment.

Toutes les gratifications, pensions, places de fourrage furent supprimées. L’administration du corps fut établie sur le même principe que pour l’infanterie. On renvoyait tous les miliciens incorporés, ne conservant que 54 hommes par compagnie après le doublement de chacune. Les capitaines dont le nombre se trouvait réduit de moitié furent réformés à l’exception des 6 plus anciens. Les 8 plus anciens lieutenants étaient conservés, les 8 plus jeunes étaient nommés sous-lieutenants. Tous les cornettes furent congédiés.

Les compagnies dans le corps perdaient leur rang propre d’ancienneté pour ne plus dépendre que de l’ancienneté du capitaine. Les maréchaux de logis anciens étaient tous pourvus de fonctions nouvelles et leurs prérogatives étaient abolies comme leur ancien grade.

Les nouveaux bas officiers qui devaient cependant prendre ce même nom ne devaient exercer d’autre autorité que celle du sergent d’infanterie.

L’élection des bas officiers et brigadiers par leurs supérieurs immédiats fut établie comme dans l’infanterie, à l’exception des porte-étendards, quartiers-maîtres, etc., qui furent nommés par le roi.

Seul le grade de carabinier était réservé à l’ancienneté. On promettait à tout cavalier ayant 16 ans de service une pension égale à la demi-solde de son grade et un habit tous les 8 ans, sa vie durant. Après 24 ans de service, solde entière et un habit du régiment tous les 6 ans.

Les officiers réformés devaient se retirer chez eux. Le commissaire des guerres devait établir la situation des compagnies et payer les dettes.

La solde nouvelle fut ainsi tarifée par an.

Cette solde devait s’augmenter de 1/3 environ en campagne.

L’habillement, réglé en 1763, fut légèrement modifié, en 1767, c’est suivant l’ordonnance de celle époque que nous en donnons la description.

Tous les régiments prirent l’habit bleu, dit à la polonaise, que portaient depuis 20 ans Royal-Allemand et Royal-Pologne, sans pli à la hanche, sans poche, et coupé à 3 pouces de terre l’homme étant à genoux.

Un manteau en drap bleu parementé d’une aune de la doublure de l’habit et 3 brandebourgs sur la poitrine, faits avec le galon qui bordait le tapis de selle. En 1767, ce manteau fut uniformément blanc pour tous les régiments. La veste de drap chamois remplaçait le buffle. Une culotte en drap remplaçait l’antique culotte de peau, conservée seulement pour les cérémonies. Une botte molle d’une forme nouvelle, plus petite que l’ancienne, manchettes de bottes en tricot gris-ardoise, à pied, de guêtres de toile noircies. Les parements, collets, revers de couleurs diverses, étaient destinés à différencier les régiments au lieu d’être employés à mettre les hommes à l’abri des injures de l’air.

Un armement nouveau, un mousqueton monté sur bois de noyer, 2 pistolets, 1 sabre à lame de 36 pouces, à garde pleine et double branche de cuivre, poignée carrée, filet de laiton et pommeau de cuivre. Le fourreau de cuir noir, à garniture de cuivre, attaché par un ceinturon à la hongroise, en buffle blanc, avec boucles et anneaux de cuivre et crochets de fer. Cordon de sabre en cuir noir. La cuirasse fut abandonnée, comme usant trop les vêtements. La bandoulière en buffle, large de 3 pouces 9 lignes, servit à porter une giberne de 7 pouces, en cuir noir, dont le dessus était orné d’un médaillon en cuivre aux armes du roi. Un porte-manteau en drap bleu ou rouge selon la couleur de l’équipage, les extrémités, taillées en carré long de 9 pouces sur 7 1/2, bordées d’un galon de livrée de l’équipage.

Housse et chaperons d’une forme nouvelle, en drap, bordés de galon de livrée. Les chaperons des fontes, en demi-cercle et ovale plein, bordés de 2 galons de couleur spéciale à chaque régiment.

Un chapeau en feutre de laine, garni d’une calotte en fer, et bordé d’un galon de laine pour les soldats, d’argent ou d’or pour les bas officiers.

Les trompettes prenaient la livrée du roi, avec revers, collet, parement, de la couleur distinctive.

Cependant les régiments de l’état-major, des princes et de Noailles conservèrent leurs livrées spéciales. Les housses des officiers devaient être bordées d’or pour ceux des 3 régiments de l’état-major, d’argent pour tous les autres.

Le galon d’argent, qui bordait la housse, était large de 30 lignes pour les officiers supérieurs, 24 lignes pour les autres, 18 lignes pour les quartiers-maîtres, porte-étendards, etc.

Au régiment Colonel général, on conservait aux angles de la housse l’ancien trophée composé de 5 étendards, 2 bleus, 2 rouges et 1 blanc.

Au régiment Mestre de camp, le trophée n’avait que 3 étendards, 1 bleu, 1 blanc et 1 rouge.

Commissaire général, trophée de 2 étendards, 1 bleu et 1 blanc. Ces trophées avaient 5 pouces de hauteur.

La compagnie colonelle, de Colonel général était, comme autrefois, montée sur chevaux gris-blanc. Le harnachement était aussi renouvelé, ainsi que la selle.

La marque distinctive des grades fut aussi réglée par ordonnance, à cette époque, et sensiblement la même que pour l’infanterie.

La suppression de 276 compagnies de cavalerie, sur 524 entretenues en 1762, excita, comme on peut le croire, de vifs regrets parmi les officiers. Leur avancement se trouva subitement arrêté, et Choiseul dut lutter, plus d’une fois, pour repousser les importunités des mécontents. Il finit pourtant par accorder deux places de capitaines-lieutenants aux compagnies colonelles et lieutenants-colonelles. Mais, après la disgrâce de ce ministre, M. de Monteynard, en 1772, n’eut aucune force pour s’opposer aux sollicitations des courtisans, et, comme il le dit ingénument dans son ordonnance, pour procurer des places de capitaine, on créa 4 compagnies nouvelles, en formant le régiment à 3 escadrons de 4 compagnies, au lieu de 4 escadrons de 2 compagnies. Le nombre des soldats restant le même, celui des officiers augmenta d’un tiers.

C’est ainsi que la cavalerie, dorénavant appelée grosse cavalerie, subsista jusqu’à la mort de Louis XV. Après bien des modifications, sous Louis XVI, la Révolution, l’Empire, ces régiments existent encore de nos jours, sous le nom de cuirassiers ou carabiniers, conservant intactes les traditions d’honneur, d’intrépidité, de fidélité au drapeau de la vieille cavalerie française (1).

(1) Les planches ci-jointes présentent les costumes des étendards de la cavalerie de 1737 à 1763. Les étendards représentés sont ceux du régiment ancien avant la réforme de 1763, dont le nom est à gauche de la tablette. Les étendards des régiments qui prirent un nouveau nom ne sont donc point retracés dans cet ouvrage. Ils existent au Dépôt de la guerre et seront bien placés dans la monographie des troupes sous Louis XVI.

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