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CHAPITRE VIII
DRAGONS, HUSSARDS, CHASSEURS, TROUPES LÉGÈRES POUR LA PETITE GUERRE

 

DRAGONS

Les généraux en chef, pour éclairer la marche de leur armée, ont employé de tous temps quelques troupes d'hommes choisis, formées d'intrépides soldats commandés par des officiers clairvoyants et entreprenants. Déjà au XVIe siècle pour les pointes hardies, on n'employait que des cavaliers légers, c'est-à-dire débarrassés des lourdes armures usitées alors ; mais, pour les surprises, les coups de main, on employait fréquemment des fantassins que l'on faisait monter sur des chevaux. Ces soldats, formés en compagnies qui restèrent constituées, s'appelèrent arquebusiers à cheval, mousqueteros, tragonen, dragons, troupes légères pour les escarmouches.

Une compagnie de dragons était donc une troupe de fantassins dotés de quelques chevaux pour aller plus rapidement défendre ou attaquer un poste. Il existait quelques compagnies de ce genre dans les armées de Henri II et de Henri III, mais elles ne furent régimentées, sous le nom de dragons, que sous Louis XIV, en 1667. Elles furent, l'année suivante, mises sous l'autorité d'un colonel général des dragons assisté d'un mestre de camp général, création assez inutile, faite surtout pour satisfaire l'orgueil du duc de Lauzun.

Les dragons étaient chargés, pendant les guerres de Louis XIV, de la fonction confiée aujourd'hui aux troupes du génie. Ils préparaient les chemins pour l'armée, devaient faire les abatis d'arbres pour barrer les routes, les ponts, les villages, en attendant l'arrivée des corps d'infanterie. Ils étaient chargés de jeter les ponts sur les petits cours d'eau, et même d'établir au moyen de fascines, de branchages, le passage de l'armée dans les marais. Ils avaient quelques chevaux pour se transporter rapidement d'un point à un autre ; en un mot, c'était une infanterie légère.

Dans une place assiégée leur régiment formait un bataillon, dont les soldats étaient assimilés aux grenadiers et obéissaient aux généraux de l'infanterie.

Dans un siège, ils faisaient le service à la tranchée et, comme les grenadiers, formaient tête de colonne d'assaut.

Cependant, en bataille, ils prenaient place à côté de la cavalerie, sur les ailes, pour être prêts à la poursuite ou à protéger la retraite. A l'armée, ils prenaient l'ordre du maréchal général de la cavalerie. Le plus ancien major de dragons devenait le major de l'arme, et était chargé du service, des renseignements, éclaireurs, espions, partisans, avant-postes, escortes, etc., etc.

Les dragons étaient outillés pour ces divers services. Leur compagnie, sur pied de guerre, était de 40 hommes, dont la moitié seulement étaient montés. Leurs chevaux étaient petits, 4 pieds 6 pouces au plus. Le cavalier, généralement assez novice en équitation, chaussait les étriers très courts et sa selle était placée de telle sorte qu'il était presque assis sur le dos du cheval.

Leur armement consistait en un fusil d'infanterie de 4 pieds 8 pouces 6 lignes, modèle et calibre du fusil d'infanterie, garni d'une baïonnette de 16 pouces. La grenadière attachée à la contre-platine, par un piton, à l'autre bout était fixée sur une bague mobile glissant sur le canon du fusil.

Le soldat portait toujours à la ceinture, à pied ou il cheval, un grand pistolet de 16 pouces à canon de 11 pouces, et dont la crosse était garnie d'un crochet pour fixer l'arme sur le ceinturon. Un sabre, de 33 pouces, poignée de cuivre à double branche, lame de 27 pouces, à pointe courbée et enfermé dans un fourreau de bois recouvert de cuir garni de laiton.

Le ceinturon était en peau de buffle, large de 2 pouces 2 lignes, placé sur la veste ou sur la culotte, selon l'usage du corps, mais toujours très bas sur les hanches.

Avant l'invention de la cartouche d'infanterie, les dragons portaient en bandoulière un fourniment complet ; mais, depuis 1738, ils portaient, comme l'infanterie, la demi-giberne, percée pour 30 coups, enfermée dans une poche de cuir de vache rouge, ornée, agrémentée selon l'usage du corps, et suspendue par une bandoulière de cuir jaune de 2 pouces de large.

Chaque compagnie possédait 12 outils propres au service, savoir : 4 haches à tête carrée, tranchant de 4 pouces, 3 pioches de 9 pouces 1/2 de la pointe au tranchant, 3 serpes de 14 pouces, 2 pelles angles arrondis.

Les officiers étaient armés de fusils et de pistolets.

Les dragons avaient 1 tambour par compagnie, plus 1 hautbois par escadron. On battait le tambour à cheval. Ils ne possédaient qu'un drapeau, appelé guidon, par escadron ; ce guidon était confié au cornette, et sa place était auprès du chef d'escadron.

Une compagnie de dragons était tarifée 8,000 livres, un régiment 100 et 120,000 livres.

L'équipement d'un dragon à pied était payé au capitaine 65 livres, à cheval 150. Jusqu'en 1743, le capitaine avait fourni les chevaux, mais, à cette époque, lorsque tous les dragons furent montés, le roi donna les chevaux d'augmentation. La remonte était tarifée 300 livres annuelles, pour entretenir 15 chevaux, 400 livres pour 20 chevaux, 800 pour 40.

Les chevaux tués à la guerre étaient remplacés par le roi. Comme dans la cavalerie, le dressage était fait par les soins du maréchal des logis.

La solde complète, en quartier d'hiver, était ainsi réglée :

La ration d'étape du dragon était de 24 onces de pain, 1 livre de viande, 1 pinte de vin ou 1 pot de boisson. La ration de fourrage, inférieure à celle de la cavalerie, n'était que de 12 livres de foin, 8 de paille, 1/2 boisseau d'avoine.

L'ustensile, réglé comme pour la cavalerie, était de 6 places au capitaine, 4 au lieutenant, 3 au cornette, 2 au maréchal des logis, 1 au soldat, à 45 livres la place, dont 15 livres distribuées aux hommes, en 5 paiements, pendant l'été, et 30 livres versées à la masse d'habillement et d'entretien.

Ce traitement, établi sous Louis XIV, était insuffisant 50 ans après. On accorda, il est vrai, une augmentation de solde de 2 deniers par homme et par jour, en 1758 ; mais, en 1763, les capitaines de dragons, comme ceux de cavalerie, étaient tous ruinés.

 

Uniforme.

L'habit des dragons était de même forme que celui de l'infanterie, taille longue croisant derrière, collet droit, assez élevé pour être serré par la cravate noire. Les parements descendant sur l'articulation du poignet, retenus par 3 boutons, ils pouvaient s'abattre sur les mains ; ils avaient 6 pouces de hauteur et 18 pouces de tour. Cet habit était sans revers ; les boutonnières étaient ornées d'un galon de 3 lignes en fil blanc. Sur l'épaule gauche, une épaulette, sur la droite, une aiguillette ronde ou plate, en laine de couleur, semblable au galon de l'équipage. A cheval, les pans d'habit relevés et agrafés par des crochets placés sur un morceau de drap, en forme de cœur, cousus à 2 pouces du coin de l'habit.

La poche, en travers, était garnie de 4 boutons. La veste, comme celle du fantassin, était de 9 pouces plus courte que l'habit. Elle s'agrafait au moyen de pattes. Les manches étroites étaient parementées de drap de couleur.

On accordait pour la confection de ces 2 vêtements, en 1750, 3 aunes 1/3 de drap de Berry, 5 aunes 1/2 de serge d'Aumale pour doublure. La veste était doublée de toile écrue. La culotte, qui appartenait au dragon, était en drap. Les dragons montés en recevaient une autre en peau, à double ceinture, descendant très bas sur le mollet. Une paire de souliers à talons, bouclant haut sur le cou-de-pied, des bas bleus ou blancs et de grandes guêtres en toile, blanches ou noires, serrées par des boucles ou des boutons de cuir, avec jarretières en cuir noir et montant sur la cuisse, à 7 pouces au delà de la pointe du genou. Des gants en peau de mouton. Un manteau de la couleur de l'habit, parementé de serge, et orné sur la poitrine de 3 agréments en galon semblable à celui de l'équipage.

La coiffure du dragon était, sous Louis XIV, un bonnet en drap bordé de fourrure. Plus tard, sous Louis XV, ce bonnet de drap à flamme tombante, liséré sur les coutures, orné d'une houppe de laine, était garni d'un revers de couleur tranchante en peluche ou en drap à long poil. Ce bonnet était la coiffure caractéristique de l'arme.

Les dragons portaient aussi en service le chapeau de feutre, bordé d'un galon d'argent.

En 1750, une bottine en veau, sorte de houseau représenté planche 36, fut donnée à tous les dragons au lieu des guêtres. Les officiers portaient la même bottine que les soldats.

Les officiers portaient l'uniforme, en drap fin, les boutonnières et galons en argent, le bonnet orné de galon et houppe d'argent fin. L'armement comportait une épée, un fusil à baïonnette, deux pistolets et une giberne. Leur épaulette était garnie d'une petite frange d'argent, ce n'est qu'en 1759 que l'ordonnance prescrivit que les grades seraient distingués par une marque apparente.

L'équipage du cheval, en drap, était bordé de galon à la couleur du mestre de camp. Pour les officiers supérieurs ce galon en argent était large de 2 pouces, les officiers subalternes, 1 pouce 1/2, les maréchaux des logis, 1 pouce.

Les chevaux, les jours de revue, étaient enrubannés comme ceux de la cavalerie. La crinière nattée en trois tresses, une cocarde à l'oreille droite, et une rosette à 6 pouces de la racine de la queue.

 

Effectif.

En 1740, il y avait 15 régiments de dragons formant 60 escadrons, 240 compagnies de 25 hommes dont 15 montés. Ces compagnies portées à 30 hommes, en 1741, furent mises à 41, en 1742. En décembre 1742, ordonnance créant 64 compagnies nouvelles, pour former un cinquième escadron et tous les dragons durent être montés. Le capitaine personnellement dut présenter 31 dragons à cheval, le lieutenant 6, le cornette 4.

On ne devait payer la solde des officiers que lorsque 15 soldats seraient réunis et acceptés, et celles des soldats que lorsque 5 seraient assemblés. Jusque-là, les frais incombaient aux capitaines.

Malgré ces prescriptions, les compagnies nouvelles ne purent entrer en campagne qu'en 1745.

Vers cette époque, chacun des régiments fournit une ancienne compagnie, pour former un 16e régiment, qu'on appela régiment du roi, et prit le numéro 4. En 1746, les compagnies furent portées à 50 hommes, tous montés, et on tira, comme précédemment, une compagnie de chacun pour former le 17e régiment, donné au duc de Fronsac, sous le nom de Septimanie.

Le 31 octobre 1748, le ministre réduisit cet effectif énorme, ne conservant que 16 régiments à 8 compagnies de 30 hommes à cheval et 4 compagnies de 60 à pied. Mais, lors de la guerre de Sept ans, il fallut remettre à cheval tous ces fantassins, et rétablir les 16 compagnies à 40 cavaliers.

 

REFORME DE 1762

On peut croire que les officiers accueillirent avec joie la réforme de 1762. L'énormité des dettes contractées par les compagnies en fait foi. L'organisation des régiments de dragons fut assimilée à celle de la cavalerie, sauf que, dans l'escouade de 5 hommes, 2 n'étaient point montés.

Par une inconséquence inexplicable, mais digne de cette époque, les compagnies de dragons continuèrent à être vendues 7,000 livres sous le spécieux prétexte de laisser récompenser par le successeur, un officier vieilli dans le service. Cependant cette vénalité fut abolie sous le règne de Louis XVI. Le prix d'un régiment fut fixé à 50,000 livres.

L'habillement, réglé en 1763, fut le même que celui de la cavalerie. L'habit devait être assez large pour être boutonné sur toute la longueur du revers, taillé en carré comme celui de la cavalerie (c'est par erreur que les planches indiquent le revers taillé en pointe)  ; l'habit de drap vert semblable pour tous les régiments ; un parement haut de 4 pouces, un collet rabattu de 3 pouces 1/2, un revers haut de 16 pouces, large de 4 pouces vers les épaules, de 2 pouces 1/2 vers l'estomac, étaient en drap de couleur distinctive. Les aiguillettes, conservées jusqu'en 1768, furent supprimées alors. La poche en travers ornée de 4 boutons de métal, timbrés du numéro du régiment. Veste et culotte en drap chamois, manteau de drap gris blanc parementé, bottines molles en cuir noir montant à peine au genou. A pied, des guêtres en toile noircie. Le casque monté et figuré comme celui du régiment de Schomberg, numéro 17, fut adopté par toute l'arme. Ce casque en cuivre, entouré d'un turban de peau de phoque, maintenu par une rosette en cuivre, était orné d'un petit cimier garni de longues touffes de crin noir, blanc pour la compagnie colonelle générale du 1er régiment montée sur chevaux gris.

Les tambours prirent tous la livrée bleue du roi, sauf dans les 2 régiments de l'état-major, celui de la reine et celui d'Orléans, qui conservaient celles de leur mestre de camp titulaires.

L'habit des tambours était bordé sur les revers, les parements, le collet, les basques, du galon de la livrée ; la poche ornée de 3 brandebourgs, 2 brandebourgs sous le revers. L'habit du tambour-major seul était galonné de ce galon sur les coutures et orné d'un double galon d'argent sur le parement.

Les marques distinctives du grade de bas officier établies comme pour la cavalerie ; pour les officiers, l'aiguillette fut conservée ; elle se portait sur l'épaule droite :

Colonel, une aiguillette tressée de fil d'argent, et sur l'épaule gauche une épaulette à frange double, nœud de cordelière et jasmin ;

Lieutenant-colonel, même insigne sans jasmin ;

Major, même aiguillette, épaulette à frange simple ;

Capitaine, même aiguillette, épaulette sans frange ;

Lieutenant, aiguillette et épaulette mélangée, 1/3 de soie et 2/3 de métal ;

Sous-lieutenant, 2/3 de soie, 1/3 de métal.

Le harnachement du cheval semblable à celui adopté pour la cavalerie. La housse et le chaperon des fontes de forme carrée, bordés d'un galon particulier à chaque régiment. Un porte-manteau en étoffe croisée verte ou rouge, long de 27 pouces, les extrémités en carré long, de 9 pouces sur 7 1/2, bordé d'un galon semblable à celui de l'équipage. Seuls les régiments de l'état-major conservaient le trophée brodé sur la housse ; savoir : 5 guidons, 2 rouges, 2 bleus et 1 blanc entourés de cordonnet aurore pour le régiment colonel général et 3 guidons bleu, blanc, rouge en trophée pour mestre de camp général.

Un sabre à poignée de cuir, dont la garde à bandelettes en fer plat était faite en panier à 3 branches, la troisième aplatie formant une demi-coquille. La lame de 36 pouces enfermée dans un fourreau de cuir noir à garniture et bout de cuivre attaché par un ceinturon à la hongroise en buffle blanc semblable à celui de la cavalerie, mais garni d'un pendant en buffle pour porter la baïonnette.

Un fusil de grenadier à garniture de cuivre, un pistolet, une giberne en cuir semblable à celle de la cavalerie, avec médaillon aux armes du roi et trophée de guidons, portée par une courroie longue de 5 pieds, large de 2 pouces 1/2 (7 cent.).

Le recrutement et l'administration étaient semblables à ceux de la cavalerie. L'effectif seul différait un peu. Les 17 régiments conservés au chiffre de 400 hommes, sur pied de paix, devaient être doublés en temps de guerre.

Le régiment formait 4 escadrons, 8 compagnies de 45 hommes et 3 officiers. La compagnie était divisée en 8 escouades de 5 hommes, dont 2 à pied et 3 à cheval. 4 maréchaux des logis, 1 tambour. La solde semblable à celle de la cavalerie.

Ces régiments que leur instruction, en temps de paix, tendait à assimiler à la cavalerie furent conservés jusqu'à la chute de la monarchie, et la France les trouva prêts à soutenir leur antique réputation d'audace, pendant les terribles guerres de la République et de l'Empire.

 

HUSSARDS

Les régiments de hussards, sous Louis XV, étaient tous, sans exception, composés d'officiers et de soldats étrangers. Leur origine hongroise, croate, ne fait doute pour personne. Employés par l'empereur pour combattre la cavalerie ottomane, si redoutable alors, ils s'acquirent une réputation européenne de bons cavaliers éclaireurs.

Les premiers houssarts au service du roi étaient des déserteurs de l'armée impériale, réunis sous le commandement d'un certain Corneberg, qui se donnait comme baron à la cour de Louis XIV. Ils furent licenciés à la paix de Ryswick.

En 1701, l'électeur de Bavière céda au roi un régiment complet, qui dès lors resta au service de France.

Les capitaines recrutaient, dans leur pays d'origine, les hommes et les chevaux. Le roi leur payait 300 livres par cavalier monté et armé.

Un deuxième régiment hongrois fut amené au régent, en 1720, par le comte de Berchény.

En 1734, lorsqu'éclata la guerre pour la succession de Pologne, le comte d'Esterhazy fut autorisé à former à Strasbourg un 3e régiment qui fut conservé à la paix à 4 compagnies.

En 1740, sur pied de paix, le roi soldait donc 20 compagnies de 25 hussards. Nous verrons quel développement prit cette cavalerie de 1740 à 1762. Les hussards devaient le service à cheval, mais en fait, ils faisaient aussi la guerre à pied. A cause de la pénurie des chevaux, le commissaire des guerres n'avait l'obligation que d'empêcher que le nombre des fantassins excédât celui des cavaliers. Ils étaient donc employés concurremment avec les dragons.

Leurs chevaux, originaires de Pologne ou de Hongrie, étaient de petite taille, la selle fort élevée, l'homme levé sur des étriers très courts, compensant ainsi dans le combat la petitesse de la monture. Leur armement, étranger comme le reste, consistait en une carabine, 2 pistolets, un sabre courbé à la turque. Autrefois, ils portaient, sous l'arçon de la selle, une longue épée droite, appelée palasche, qu'ils tiraient pour charger. En 1740, ils ne se servaient plus que du sabre courbe, bien insuffisant contre celui de la cavalerie européenne. Leur vêtement court, ne leur offrant point de poche, ils portaient, suspendu au ceinturon, un sac de cuir fauve, appelé sabretache.

Les hussards étaient réunis en régiments de même nationalité. Berchény et Esterhazy seuls étaient hongrois ; les autres se composaient de soldats allemands. Vers 1744, quelques compagnies de troupes légères, levées à Paris, adoptèrent ce gracieux uniforme, et il y eut alors des hussards français. Mais, jusqu'en 1792, les véritables régiments de hussards n'étaient composés que de cavaliers étrangers.

La solde journalière était ainsi tarifée :

Le capitaine, à titre d'ustensile, recevait la même somme que dans la cavalerie française.

Le colonel recevait du roi 4,500 livres de pension annuelle outre son traitement.

Un hussard habillé, armé, monté, était payé 300 livres. Cette somme fut portée à 350 livres, en 1745. Pour la remonte, le roi accordait annuellement 1,500 livres pour entretenir 50 chevaux et payait 300 livres tout cheval tué à la guerre.

Les officiers de hussards prenaient l'attache du colonel général de la cavalerie.

Par l'ordonnance de 1737, les capitaines de hussards reçurent du roi le drap nécessaire au vêtement de leurs hommes.

Après la paix d'Aix-la-Chapelle, les nombreux hussards au service furent réformés et l'ordonnance du 15 mai 1752 déterminait le costume des 7 régiments conservés. Nous en donnons ici l'analyse.

Les couleurs distinctives des régiments étaient ainsi réglées :

 

Le roi accorde pour la pelisse, la veste et la culotte à la Hongroise en drap bleu céleste (Lodève), une aune 1/4 de drap, 18 gros boutons pour le rang du milieu, 36 petits pour les 2 côtés, 5 aunes 1/2 de cordonnet de fil blanc pour les boutonnières, huit aunes de galon de fil blanc en 6 lignes de large pour border les manches, les poches, la pelisse.

La pelisse doublée en peau de mouton blanc, bordée de poil noir.

1 aune de même drap bleu pour la veste plus courte de 7 pouces que la pelisse, garnie des mêmes quantités de boutons et cordonnets.

Extrémité de la manche retroussée sur un pouce en drap de la couleur affectée à chaque régiment.

3/4 d'aune pour la culotte doublée de toile écrue.

Un bonnet de feutre blanc, dit shako, sauf pour le régiment de Berchény, qui gardait le bonnet de feutre rouge, entouré d'une garniture à galons de la couleur affectée à chaque régiment, une fleur de lys en galon de fil blanc sur le devant du shako. Aigrette et cocarde selon l'usage du corps.

Bottines molles de cuir noir pour la troupe.

Echarpe de laine garance cordonnet de 8 pieds de long dont les boutons étaient de même couleur que la garniture du bonnet.

Sabretache couverte de drap rouge, ornée d'une fleur de lys rouge au milieu, entourée d'un galon de fil de la couleur distinctive.

3 aunes 1/2 de drap bleu de roi pour le manteau muni d'un collet pelisse de 19 pouces de hauteur de 2 pieds de tour.

La housse du cheval taillée à la Hongroise, en drap Lodève doublé de toile, employait 1 aune 1/4, bordée d'un galon de fil de 18 lignes, couleur spéciale à chaque régiment, brodée aux coins et sur la croupe de 5 fleurs de lys rouge bordées de cordonnet blanc.

Berchény portait la fleur de lys blanche couronnée de France.

Uniforme des officiers semblable, mais en drap plus fin. Cordonnets et galons d'argent fin large de 6 lignes pour les capitaines, de 5 lignes pour les lieutenants. Pelisse doublée de peau de renard dont on réservait le ventre et la gorge pour la bordure, veste doublée d'étoffe de laine. Boutons d'argent montés sur bois. Bonnet de feutre garni de galon d'argent de 18 lignes, fleurs de lys d'argent.

Les officiers portaient aussi le bonnet de fourrure blanche, grise ou fauve. La housse de drap bleu céleste était galonnée d'un pouce 1/2 pour le capitaine, 1 pouce pour le lieutenant, 8 lignes pour le maréchal des logis.

Les maréchaux des logis portaient le mime costume en drap bleu céleste de Romorantin, le galon d'argent large de 4 lignes. Pelisse doublée de peau de mouton noir, bordée de peau de renard prise sur le dos.

Galon du shako d'argent fin de 12 lignes.

Le timbalier, souvent nègre ou mulâtre, était couvert d'une riche casaque à la livrée du mestre de camp, ses gages étaient payés par la cotisation des capitaines, son cheval était payé par le lieutenant-colonel jusqu'à concurrence de 200 livres.

Les trompettes, étaient vêtus à la Française, d'un habit à la livrée du mestre de camp propriétaire.

Les hussards étaient dans l'usage d'orner leur bonnet de plumes, aigrettes ou cocardes, à leur fantaisie.

Leur armement consistait en un sabre courbe à monture de cuivre ; simple branche en croix, poignée couverte de cuir bouilli crénelé, une barre de cuivre sur le dos, lame de 35 pouces, 14 lignes de large auprès de la barre, fourreau de peau garni au-dessous de la branche de 2 pouces de cuivre. Ceinturon en cuir de Russie. Sabretache en drap écarlate, bordée d'un galon de couleur, fleur de lys bordée de fil, couronnée pour le régiment de Berchény. Un mousqueton et deux pistolets.

 

Le régiment du prince de Nassau, entré au service de France, en 1756, avait un uniforme semblable à celui des régiments allemands avec ses couleurs distinctives.

Pelisse de drap rouge, doublée de peau de mouton blanc, bordée de noir. Dolman ou veste de drap bleu. Sur l'un et l'autre 5 rangs de boutons de métal blanc. Cordonnets blancs en poil de chèvre, pour boutonnières. Collet et parements de la veste en drap ventre de biche. Écharpe de laine ponceau à boutons blancs et oranges. Culotte de drap bleu de roi garni de charivaris de peau de cerf avec 3 rangs de cordonnet à l'entour desdits charivaris ainsi que par derrière. Sabretache de drap rouge avec un lion couronné de Nassau, bordé d'un galon blanc et orange. Ceinturon en cuir de Russie rouge. Fischemas ou bottes de veau noircies, à talons de fer, éperons de même. Bandoulière, en peau de cerf, blanchie, avec une grosse boucle de cuivre jaune. Cartouchier de cuir noir. Schako de feutre noir, bordé d'un galon de poil de chèvre blanc et orange. Aigrette de plumes blanches. Entré au service de France, ce costume fut modifié légèrement par l'addition d'une fleur de lys.

 

Variations de l'effectif (de 1730 à 1762).

En 1740, il existait 3 régiments de hussards, dont 2, à 2 escadrons, Linden et Berchény, et Esterhazy à 1 escadron. L'escadron était formé de 4 compagnies, la compagnie de 25 hussards, tous montés.

En 1741, ces compagnies furent portées à 50 hommes. Le 16 décembre 1742, création de 36 nouvelles compagnies à 50 hommes, pour porter les anciens régiments à 4 escadrons de 3 compagnies chacun, et formation de 3 régiments nouveaux : Beausobre, hussards allemands, qui prit le numéro 61 dans la cavalerie. Raugrave, hussards liégeois, numéro 63, et Polereisky, hussards hongrois et polonais, numéro 64. En 1746, un régiment de Croates fut amené par le comte Ferrari, numéro 67.

En sorte, qu'à la paix d'Aix-la-Chapelle, il y avait 30 escadrons de 150 hommes, soit 4,864 hussards, tous étrangers, sans compter ceux des troupes légères. Ces 7 régiments furent conservés, par M. d'Argenson, à l'effectif d'un seul escadron de 4 compagnies de 25 hommes, sauf le régiment Berchény qui conserva 2 escadrons.

En 1756, pour la guerre, les compagnies durent être mises sur le pied de 75 hommes. C'était trop exiger de capitaines obligés de recruter à 500 lieues de distance. On fut obligé pour obtenir une action militaire efficace de coupler les régiments :

alors, Berchény absorba Linden,
          Turpin de Crissé absorba Beausobre,
          Polereisky absorba Ferrari.

Les hussards de Raugrave prirent un nouveau costume et s'appelèrent volontaires liégeois.

L'année 1757 fut désastreuse pour les hussards, le régiment Polereisky fut supprimé pour indiscipline et les hommes répartis entre Bercheny et Turpin. Puis le roi accepta le régiment du prince de Nassau, fort de 4 escadrons à 150 hommes.

En 1760, le nombre de hussards démontés était si considérable que, dans chaque régiment, on forma 2 compagnies, dites de chasseurs à pied, sous le commandement d'un des nombreux colonels réformés entretenus à la suite (4 janvier 1760). Ainsi peu à peu ces régiments devenaient semblables aux corps de troupes légères.

A la paix de 1762, les 3 régiments existants furent conservés, mais la réforme dans le recrutement, l'administration, le principe même de la compagnie, dénatura bientôt la qualité de ces régiments de mercenaires étrangers. La compagnie réduite à 29 hommes, dont 10 seulement étaient montés sur des chevaux dorénavant fournis par le roi, même aux officiers, modifia l'institution. Le 20 février 1764, chaque régiment fut réduit à 8 compagnies et avec les 12 compagnies disponibles on forma un 4e régiment de 8 compagnies à 25 hommes en 2 escadrons.

Un nouvel uniforme était donné aux hussards. Tous prirent la pelisse de drap vert, la culotte rouge, les cordonnets et agréments de fil ou de laine blanche. La sabretache rouge bordée de cuir couvert d'un galon de 10 lignes en fil blanc, était ornée du chiffre du roi en drap de couleur entouré de cordonnet blanc. L'équipage de drap rouge bordé d'un galon de couleur. Les fleurs de lys aux angles, en drap bordé de cordonnet blanc.

La pelisse, les poches, les retroussis furent bordés d'un galon de 6 lignes, 1 rang de 18 gros boutons ronds d'étain pour le milieu de la pelisse et de la veste, et 2 rangs de 18 petits boulons demi ronds pour les 2 côtés. La pelisse, doublée de peau de mouton blanc, bordée de peau noire. Veste semblable, de 7 pouces plus courte que la pelisse. Parements, en forme d'équerre, de 2 pouces. Culotte rouge garance, poches bordées d'un galon, les coutures recouvertes de cordonnet et le bas du caleçon, garni de 6 agrafes et crochets. Bottes à la Hongroise à talons de fer. Bonnet de feutre noir bordé d'un galon de 9 lignes, l'aile dudit bonnet bordée d'un galon de 18 lignes dont 9 au dehors, garnie et doublée d'un morceau d'étoffe de laine de couleur distinctive, le devant orné d'une fleurs de lys. Écharpe de laine cordonnée rouge garance, à boutons de la couleur de la garniture du bonnet. Manteau à capuchon, de drap vert. Même uniforme pour les officiers, avec cette différence que leur bonnet et leur pelisse étaient garnis de fourrures précieuses. Le drap en était fin et les cordonnets d'argent. Le mestre de camp portait les galons en 15 lignes de large, les broderies à 3 cordonnets, la sabretache bordée de 3 larges galons et ornée de franges riches à graine d'épinards. Le lieutenant-colonel portait les galons en 12 lignes de large, sabretache à frange simple ; le major, mêmes galons sans frange. L'équipage du cheval fut modifié en 1767. Les officiers supérieurs, comme tapis de selle, usaient d'une peau de panthère, les autres une peau de veau peinte tigrée, les soldats une peau de mouton, bordée d'une bande festonnée en tricot de couleur. La selle à la Hongroise posée sur une couverture.

Le porte-manteau en tricot rouge était arrondi aux extrémités et orné d'une étoile.

I.es trompettes et le timbalier continuaient à porter la livrée à la Française des mestres de camp avec le chapeau de feutre bordé de fil blanc. L'armement fut aussi renouvelé, on donna un mousqueton court suspendu par un anneau de fer à la bandoulière en cuir de Russie, 2 pistolets, un sabre courbe à la Hongroise, long de 33 pouces, à monture de cuivre, cordon de sabre en cuir noir, ceinturon à la Hongroise en cuir de Russie garni d'anneaux de fer, cartouche de cuir rouge portée par une courroie de cuir de Russie. Les règlements adoptés pour la cavalerie française furent, à dater de cette époque, applicables aux régiments de hussards.

 

TROUPES LÉGÈRES

Il est curieux de constater que l'organisation de l'armée, méditée avec soin par des militaires prudents et expérimentés pendant une période de paix, est rarement trouvée parfaite au moment de l'action. Il en était déjà ainsi au XVIIIe siècle ; les corps de dragons sur pied auraient dû suffire, à tous les besoins, pour éclairer la marche de l'armée ; il n'en fut rien : on vit alors se constituer, avec l'autorisation du ministre, des corps énormes destinés à agir isolément en avant et sur les flancs de l'armée. Cela doit tenir pour les troupes affectées à ce service à leur manière de subsister en campagne, si différente de ce qu'elle est en temps de paix.

Il existait, en dehors des régiments entretenus en 1740, quelques compagnies franches, c'est-à-dire non enrégimentées, et dont les capitaines-propriétaires étaient chefs de corps. Ces compagnies, derniers vestiges de l'ancienne organisation, maintenues à 30 ou 40 fantassins sur pied de paix, se complétaient à 100 ou 150 hommes en temps de guerre, s'administraient elles-mêmes, et le plus souvent vivaient sur le pays parce qu'elles étaient lancées en flèche sur les flancs ou à l'avant-garde de l'armée. Ce système nécessitait un chef prudent, expérimenté, habile soldat de profession, s'il ne voulait voir sa troupe bientôt anéantie. Les multiples responsabilités de tels chefs les rendaient précieux pour le général ; aussi le ministre conservait avec soin ces quelques capitaines de compagnies franches. Il y avait, en 1740, 10 compagnies franches d'infanterie et 8 de dragons. Les soldats qui servaient là étaient des mercenaires de toutes provenances attirés par des chances nombreuses de butin. La solde et le costume étaient ceux de l'infanterie allemande au service de France, habit bleu, veste et culotte rouge, bouton d'étain, chapeau de feutre galonné d'argent, armement et équipement du grenadier d'infanterie. Dans les compagnies de dragons, la moitié des hommes étaient montés. Ces troupes rendirent de réels services de 1741 à 1744. Après la défaite de Dettingen, on attribua à l'organisation défectueuse des corps de troupes des désordres qui n'avaient d'autre cause que la désobéissance ou la négligence des officiers. Le ministre Argenson autorisa, le 1er janvier 1744, le comte de Grassin, capitaine au régiment de Picardie, à former un corps mixte composé de fusiliers, grenadiers, charpentiers, pontonniers, canonniers et aussi de cavaliers. On retrouve ici l'application de la théorie en faveur à cette époque qui réclamait le rétablissement de la légion romaine. (V. Ch. de Folard).

Depuis lors, d'autres corps semblables furent levés annuellement ; les anciennes compagnies franches elles-mêmes furent enrégimentées. En 1748, à la paix, l'ensemble de ces corps francs mixtes s'élevait à 14,000 hommes dont 5,000 cavaliers. Ces corps nouveaux, si nombreux, absorbaient, sans profit pour l'armée, les éléments ardents qui eussent augmenté la valeur des anciens régiments. En outre, ils facilitaient la désertion, car on y était moins scrupuleux encore que dans les vieux corps pour l'admission des soldats. A la paix, malgré tous ces défauts, prenant en considération le mérite de leurs chefs, on conserva ces corps avec un effectif réduit. On leur donna la même organisation qu'aux régiments de dragons : la compagnie d'infanterie fut réduite à 40 hommes, celle de cavalerie à 20 hommes.

Lorsqu'une nouvelle guerre éclata, l'effectif fut doublé et remis sur l'ancien pied, c'est-à-dire que la même compagnie renferma des cavaliers et des fantassins. Chacun apporta ses idées sur la constitution de ces régiments, et les novateurs organisèrent des corps de troupe légère selon leurs vues personnelles. En 1761, le ministre Choiseul ordonna que tous les corps de troupes légères auraient l'effectif de 948 hommes et se composeraient de 2 escadrons de cavalerie à 4 compagnies de 35 dragons et 1 bataillon d'infanterie à 10 compagnies, dont 1 de grenadiers et 1 de chasseurs.

Cette organisation fut maintenue après 1762, avec cette restriction que la compagnie composée dans toute l'armée de 8 escouades, n'en eut là que 2 de 8 hommes et les 3 officiers furent conservés. En sorte que ces corps conservés sous le nom de légions étaient composés de 8 compagnies de 17 cavaliers avec 3 officiers, 8 compagnies de 17 fusiliers avec 3 officiers et 1 compagnie de grenadiers de 29 hommes et 3 officiers ; constitution dont le vice apparaîtra à tout militaire éclairé.

Le recrutement de ces hommes était semblable à celui de l'infanterie ; les dépôts de recrues devaient fournir aux légions. La solde était la même, le costume seul différait. Fatalement, ces corps de troupes devaient peu à peu se confondre avec les régiments de dragons ou de cavalerie. C'est ce qui arriva peu après la mort de Louis XV, car ce sont eux qui prirent le nom de régiments de chasseurs à cheval, après quelques tâtonnements.

Nous avons cité au chapitre 1er une ordonnance pour la levée d'une compagnie franche, les autres compagnies étaient levées sous les mêmes conditions. En général, le roi payait 100 livres un fantassin armé, équipé ; 350 livres, un hussard ou un dragon. L'ustensile, lorsque cette troupe avait servi en campagne, était tarifé à 30 livres environ par fantassin, au lieu de 22 livres dans les régiments français, 60 livres pour le cavalier au lieu de 45. La solde variait depuis 7 sols jusqu'à 10 sols par jour, mais le capitaine n'avait droit à aucune autre compensation. Ses hommes malades ne pouvaient entrer aux hôpitaux, les blessés n'avaient point droit aux Invalides, etc., etc. Le roi, qui ailleurs donnait l'étoffe pour les habits, ne donnait rien à ces troupes, souvent pas même les armes à feu. La remonte était à la charge du capitaine qui recevait proportionnellement autant que dans les régiments de dragons. La masse des recrues était suffisante pour les faire rejoindre de fort loin. En somme, les troupes légères coûtaient un peu plus cher que les autres, 260 livres par tête au lieu de 236 que coûtait le fusilier d'infanterie. Mais, une fois la paix conclue, elles étaient moins dispendieuses, car elles ne jouissaient ni du traitement de réforme, ni de pension du roi, ni des Invalides. En outre, il ne faut pas oublier que la plupart des soldats qui formaient ces corps pendant la guerre de Sept ans, étaient allemands, de l'Allemagne propre, tandis que les régiments réguliers étrangers étaient plutôt composés de Rhénans. Ces levées ne nuisaient donc pas au recrutement si pénible des soldats en France.

Les relations amicales séculaires entre la France et les princes allemands de Bavière, de Souabe, etc., le mariage de la princesse de Saxe avec le dauphin de France étaient des raisons puissantes pour engager les princes et les barons allemands au service du roi ; d'autre part, ces corps recevaient un nombre considérable de déserteurs allemands, fuyant une compagnie où ils étaient mal payés, mal nourris, où ils étaient frappés à coups de bâton, pour chercher sous d'autres drapeaux un moins triste sort. Disons aussi que dans le camp ennemi, chez le roi de Prusse, il ne manquait pas non plus de déserteurs français. Les Courbière, Lenoble, Labadie, Béquignolle, Collignon, etc., etc., y commandaient des régiments complets de 1200 ou 1500 hommes tous français pour la plupart déserteurs. Aussi voyons-nous le roi de France offrir 3 amnisties successives en 4 ans, aux déserteurs qui reprendraient du service dans ses troupes. Nous ignorons si ces amnisties furent profitables à l'armée, mais c'est peu probable. Quoique nous n'ayons, dans cet ouvrage, consacré aucune notice aux vieux régiments français, quelque intéressante qu'elle pût être, nous devons faire une exception pour les corps de troupes légères qui offrent certaines particularités curieuses.

VOLONTAIRES DE SAXE. DRAGONS

Extrait de l'ordonnance du 30 mars 1713.

Sa Majesté ayant agréé la proposition qui lui a été faite par le comte de Saxe, de lever, habiller, équiper et armer un régiment de cavalerie légère, sous le nom de Saxe-Volontaires, a ordonné que ce régiment sera composé de 6 brigades et chacune de 64 volontaires et autant de pacolets ou dragons.

Les volontaires seront Tartares, Valaques ou Polonais. Ils seront armés de sabre, de lances ; ils seront habillés à la Tartare et couverts d'une cotte d'armes. Les pacolets (valets des volontaires) seront armés de carabines et de sabres. Les uns et les autres seront montés sur des chevaux valaques ou de la Bessarabie province de Turquie, en Europe (sic).

Une brigade était même composée de nègres montés sur des chevaux gris. Parfaits pour la guerre, ces guerriers d'un autre âge étaient intolérables en temps de paix. Le maréchal de Saxe établit ses cosaques au château de Chambord où ils firent de nombreux dégâts. En 1750, après la mort du maréchal, le lieutenant-colonel, comte de Friesen, licencia les ulhans et ne garda que les dragons, 3 escadrons à 2 compagnies de 40 soldats, 2 cadets, 4 brigadiers, 1 maréchal de logis et 3 officiers. Ce corps, augmenté et recruté à Phalsbourg, depuis 1751, prit part à toute la guerre de Sept ans sous le nom de dragons volontaires de Schomberg et, par ordonnance du 1er avril 1762, il prit le 17e rang dans l'arme des dragons.

Le costume des ulhans de Saxe à la Tartare était une grande robe verte, culotte très large en drap vert, bottines hongroises, une veste et une ceinture rouges. Sur la tête un casque en similor à petit cimier garni d'une queue de crin, de couleur particulière à chaque brigade et entouré d'un turban en peau de phoque. Armement : une cotte de mailles, une lance de 10 pieds avec banderole, un sabre à la Turque et un grand pistolet.

Les pacolets portaient l'habit à l'Allemande en drap vert, collet, revers, parements en drap rouge, boutons de cuivre, veste ventre de biche bordée d'écarlate, culotte de peau, bottines à la Hongroise (houseaux adoptés ensuite par les dragons). Casque semblable à ceux des ulhans, un fusil et un sabre à la Turque, 2 pistolets. Le cheval était couvert d'une peau de loup. Le costume adopté pour les régiments de dragons, sauf de légères modifications en 1762, était celui des volontaires de Saxe.

CHASSEURS DE FISCHER

Lors du siège de Prague, en 1742, un valet d'officier nommé Fischer avait donné des preuves réitérées d'une grande hardiesse, en menant paître chaque jour dans les îles de la Moldaw, à la tête des autres valets, les chevaux des officiers. De ces valets, il forma une compagnie dont le maréchal de Saxe lui laissa le commandement. Après le siège, il obtint pour lui la commission de capitaine et l'autorisation de compléter cette compagnie franche à 40 cavaliers et 60 fantassins, appelés chasseurs. Les coups de main hardis, le soin que Fischer prenait de ses hommes, le butin considérable qu'on faisait sous sa direction, donnèrent de la réputation à son corps qui, en 1745, était déjà fort de 4 compagnies d'infanterie à 100 hommes et 4 de cavalerie à 50. A la bataille de Lawfeldt il servit d'escorte au roi ; en récompense de ses services, M. Fischer fut fait brigadier de cavalerie et conserva 4 compagnies à la paix. Lors de la guerre de Sept ans, Fischer est des premiers à l’avant-garde, avec 8 compagnies de 150 hommes dont la moitié montés. L'empressement à servir sous ses ordres fut si grand qu'il avait 800 surnuméraires. Il mourut, en 1761, maréchal de camp. Le corps qu'il avait formé fut acheté par le marquis de Conflans ; il comptait alors 3,600 hommes. 2 bataillons d'infanterie à 8 compagnies de fusiliers de 125 hommes, 1 de grenadier et 1 de chasseurs à 100 hommes, 4 escadrons de hussards et 4 escadrons de dragons, plus 2 pièces de canon. Conservé à la paix à l'effectif normal des légions de troupes légères, ce corps est devenu sous Louis XVI le 5e régiment de hussards. La solde, l'armement, l'habillement étaient ceux des hussards de l'époque.

VOLONTAIRES ROYAUX, puis LÉGION ROYALE

Nous avons dit qu'il existait, en 1740, 10 compagnies franches d'infanterie, 8 de dragons, 4 autres furent créées de 1741 à 1744, avec des effectifs de 100 à 125 hommes. En avril 1745, toutes ces compagnies furent réunies sous le commandement du comte de Chabo la Serre, un des meilleurs officiers d'avant-garde de l'époque. Ce corps était composé de 6 escadrons de dragons, 2 bataillons d'infanterie, 1 compagnie de charpentiers, pontonniers, 1 de fusiliers guides, 2 pièces de canon, au total 2,531 hommes. Il rendit de grands services en Hanovre, en Provence et en Italie. A la paix, d'autres compagnies franches de Béringuier, de Lancize, etc., levées pendant les campagnes de 1747, y furent incorporées et l'ensemble fut conservé à 12 compagnies mixtes de 70 hommes, dont 30 cavaliers, plus 2 compagnies de grenadiers et 2 de hussards. Le 7 mai 1758, le corps prit le nom de Légion royale, après la brillante défense de Hoya, et s'augmenta jusqu'à compter 2,000 hommes et 2 pièces de canon. En 1763, la Légion royale fut conservée à l'effectif réglé et relaté plus haut. La cavalerie de cette légion servit sous Louis XVI, à former le 1er régiment de chasseurs à cheval.

VOLONTAIRES, puis LÉGIONS DE FLANDRE ET DE HAYNAUT

Une ordonnance du 1er janvier 1744, autorisait M. de Grassin, capitaine de grenadiers au régiment de Picardie, à lever et à former un corps de troupes légères, appelé arquebusiers de Grassin, recruté, à Paris, de volontaires, dont les officiers et les bas-officiers devaient être des sujets de distinction (sic). Les compagnies colonelle et lieutenant-colonelle étaient à cheval, les autres à pied. Ce corps arriva le 4 août 1744 au camp de la Lys, surprenant tout le monde par la rapidité de sa formation. L'année suivante il se couvrit de gloire après Fontenoy et surtout au combat de Melle, le 9 juillet 1745, en faisant mettre bas les armes à 4,000 hommes. En récompense, on lui accorda 2 des canons qu'il avait pris ce jour. Son effectif fut porté à 350 cavaliers et 950 fantassins. A la paix, en 1748, il forma la 1re brigade du corps de volontaires de Flandre.

M. La Morlière, capitaine au régiment de Bourgogne, puis lieutenant-colonel d'un régiment de grenadiers royaux, en 1745, reçut l'autorisation de former un corps semblable à celui de M. de Grassin. Ce corps, fort de 1,500 hommes dont 540 dragons et 970 fantassins avec 2 pièces de canon, remplit un rôle semblable aux arquebusiers de Grassin pour la guerre d'escarmouche. Conservé à 4 compagnies de 60 hommes, dont 20 cavaliers, en 1749, il forma la 2e brigade des volontaires de Flandre.

M. de Kermelec, en 1746, fut autorisé, comme les précédents, à former en Bretagne un corps franc du même effectif que les 2 autres. Ce corps prit une glorieuse part à la campagne de 1747 et fut conservé, en 1749, pour former la 3e brigade des volontaires de Flandre, dont M. La Morlière était colonel.

Ces 3 brigades, remises sur pied de guerre en 1756, furent dédoublées et formèrent les volontaires de Haynaut, le 1er avril 1757. Ces 2 régiments prirent le nom de légion, en 1763, et la légion de Haynaut devint, en 1768, légion de Lorraine. Ils formèrent, en 1775, les 2e et 3e régiments de chasseurs cheval.

FUSILIERS DE MONTAGNE

Le 12 février 1744, création d'un corps levé parmi les montagnards des Pyrénées dans le Roussillon, la Cerdagne et le pays de Foix. Ce corps, destiné à servir sur les Alpes, avait une solde relativement forte, 9 sols au fusilier. Fort de deux bataillons de 6 compagnies à 75 hommes, son costume était celui des montagnards des Pyrénées auxquels le roi avait donné un habit d'uniforme. Ils avaient conservé les espadrilles et le béret national. Leur armement était une escopette de 5 pieds, 2 pistolets et un poignard, portés sur le ventre par un tablier de cuir fauve. Ce corps fut conservé jusqu'en 1763, époque de son licenciement.

CANTABRES VOLONTAIRES, puis ROYAL-CANTABRE

En 1745, on leva dans le comté d'Armagnac et le Béarn un corps de troupes devant servir en Italie, composé de 2 bataillons d'infanterie, et 4 compagnies de hussards ; la cavalerie fut réformée définitivement en 1749, et l'infanterie fut rétablie, en 1756, en un régiment appelé Royal-Cantabre. Ces soldats portaient la coiffure et la chaussure béarnaises, l'armement était celui de l'infanterie française. Ce régiment fut supprimé en 1762.

VOLONTAIRES DU DAUPHINE ET AUTRES CORPS FRANCS

En 1746, la guerre en Italie fit lever sur les Alpes un corps de miquelets ou volontaires, commandés par M. de Gantés. Ce petit corps de 4 compagnies de fusiliers, 1 de dragons et 2 de hussards, rendit des services en Italie, en 1747. En 1757, rétabli, sur le pied des volontaires de Flandre, il servit en Allemagne pendant la guerre de Sept ans et fut incorporé, en 1762, à la légion de Flandre.

Outre ces corps, des compagnies franches comme celles de Bérenguier, de Sabattier, de Colonne, de Lancize, furent levées dans les Cévennes. Les déserteurs et prisonniers hongrois qui voulurent s'engager furent réunis en 4 compagnies de Croates fantassins, à 65 hommes par compagnie.

Un certain M. Geschraye mit une troupe de 800 fantassins et 400 dragons au service de France, en 1747. Nous le trouvons, en 1757, à la bataille de Rosbach ; l'année suivante il sert dans l'armée prussienne ; il fut fait prisonnier des Français à Nordhausen, en 1761.

Un autre corps, les volontaires d'Austrasie, fut formé en 1757, à l'effectif des volontaires de Flandre, il fut licencié en 1762.

 

CRÉATIONS DE 1756 A 1762

VOLONTAIRES ÉTRANGERS DE CLERMONT-PRINCE

Le comte de Clermont, commandant l'armée de Hanovre, en 1758, reçut l'autorisation de former en Allemagne même, un corps de troupes légères de 1,800 hommes, tous Allemands, comprenant 16 compagnies de 50 dragons, 9 compagnies de 100 fusiliers et 2 compagnies de 50 grenadiers, avec 2 pièces légères.

Le 20 février 1761, les Volontaires de Clermont-Prince furent dédoublés pour former un 2e régiment qu'on appela les Volontaires de Saint-Victor, avec l'effectif réglé pour les légions royales de Flandre et de Haynaut. A la paix, ces 2 corps n'en formèrent qu'un seul, d'un effectif moitié moindre que celui des légions conservées et devint la légion de Condé en 1766 et 4e chasseurs à cheval en 1779.

VOLONTAIRES DE SOUBISE

Le 20 février 1761, le prince de Soubise, maréchal de France, recevait l'autorisation de lever un corps de 948 hommes, semblable au précédent, recruté aussi en Allemagne et en Bohême. Il est probable que ce corps était déjà tout organisé quand il entra au service de France, car il prit part à un sérieux combat en juillet 1761.

L'année suivante, 11 janvier 1762, le baron de Würmser, colonel lieutenant du régiment des volontaires de Soubise, recevait l'autorisation de lever et de mettre au service de France un corps semblable de 948 hommes, qui entra en campagne en juin 1762. Ces deux corps furent fondus en un seul, à la réforme de 1763, et devinrent Légion de Soubise, puis 5e chasseurs à cheval en 1779.

Le nombre des compagnies franches créées depuis 1756 fut restreint ; une, commandée par M. Brunelli, forte de 200 fantassins et 60 dragons, entra au service, en 1757, sous le nom de fusiliers guides.

Une autre, commandée par M. Monet, fut créée, le 15 novembre 1759, pour le service des escortes du quartier général. Forte de 150 hussards, elle s'augmenta jusqu'à 500 hommes répartis en 8 compagnies : 2 de hussards à 50 hommes, 3 de chasseurs à pied, 3 de chasseurs à cheval. Ces soldats s'appelaient les chasseurs du quartier général.

Une autre compagnie franche fut créée, en 1760, par M. Cambefort, à l'effectif de 100 cavaliers et 100 fantassins. Ces compagnies franches furent toutes réformées en 1762.

En 1769, pour la conquête de la Corse, comme si l'armée était insuffisante à cette époque, on créa une nouvelle légion de troupes légères à l'effectif de 300 hommes, dans laquelle les fantassins devaient être tous montagnards corses, et les cavaliers dragons français. La cavalerie de cette légion forma le 6e régiment de chasseurs à cheval, en 1779.

 

Constitution des Légions de troupes légères en 1763

L'ordonnance du 1er mars 1763 unifia le recrutement, l'administration des troupes légères sous le nom de légions conservées, d'après les principes adoptés pour les régiments de dragons. Les 17 compagnies y avaient un effectif différent, savoir : 8 compagnies de dragons à 29 hommes, dont 15 à cheval et l4 à pied, une compagnie de grenadiers de 29 hommes et 8 compagnies de 17 fusiliers.

Les grenadiers y portaient le bonnet de peau d'ours sans plaque, calot de la couleur du parement, et orné de tresses et cordons de fil blanc. Les courroies ceinturons, etc., étaient en cuir rouge ou noir. Les officiers portaient la même coiffure que les soldats. Les dragons des trois premières légions portaient le casque de fer bruni surmonté d'un cimier de cuivre et orné de 2 rosettes. La légion de Condé avait le casque de similor. Les dragons de Soubise un bonnet de peau d'ours semblable à celui des grenadiers ; l'armement et l'équipement des dragons.

La chabraque des colonels et des capitaines était en peau de panthère bordée de drap de couleur festonné et galonné d'or ou d'argent en 6 lignes de large.

La chabraque des autres officiers était en peau de veau peinte imitant la peau de tigre. Pour les soldats une peau de mouton avec bande festonnée.

Les officiers portaient l'aiguillette comme les dragons.

L'effectif de ces régiments fut augmenté légèrement en 1768, lorsqu'on eut à redouter une nouvelle guerre occasionnée par les événements dont la Pologne était le théâtre, et de nouveau ramené à l'ancien chiffre par le ministre Monteynard.

 

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