INTRODUCTION
L'histoire des XIVe et XVe siècles, des luttes de la France et de l'Angleterre, a déjà trouvé beaucoup d'historiens. La funèbre période de nos annales, connue sous le nom de Guerre de Cent ans, a enfanté bien des volumes destinés à retracer sa politique et ses faits de guerre : nous n'en connaissons aucun qui ait été spécialement consacré aux moeurs, aux usages de nos pères à cette époque. S'il est vrai qu'il y ait là une lacune, nous n'osons certes pas espérer la combler par la publication des quelques pages qui suivent; mais du moins pourra-t-elle être une pierre de plus pour fermer la brèche que nous signalons dans notre histoire. Il ne suffit pas de raconter avec un juste orgueil les prouesses et les beaux coups de lance des héroïques compagnons de Dunois, de Jeanne d'Arc, de Richemont, de la vaillante noblesse de Charles VI et de Charles VII ; n'est-il pas intéressant de connaître, par le récit d'un contemporain, le détail des armes dont ils faisaient un si noble usage ?La nouveauté du sujet nous a tenté, et nous nous estimerions heureux si notre exemple entraînait quelques érudits dans une voie peu fréquentée jusqu'ici qui leur offrirait le double attrait de l'intérêt et de l'imprévu.
Le très-court manuscrit qui fait l'objet de notre travail est, non-seulement inédit, mais entièrement inconnu. Il nous a été impossible de retrouver le texte original, et nos recherches n'ont abouti qu'à la découverte de deux copies sur papier, exécutées toutes deux vers 1460, et parfaitement identiques : l'une est en notre possession, l'autre appartient à la Bibliothèque impériale où elle est conservée dans le Fonds français, n° 1997. Cette copie, de format in-8°, comme la nôtre, est réunie en un seul volume avec un Traité des tournois, d'Antoine de La Salle, avec la Journée d'honneur et de prouesse, poëme du même écrivain, et avec un Traité de « l'ordonnance et manière des Chevaliers errans » par Merlin de Cordebeuf. Tel est l'unique motif qui porte le Catalogue de la Bibliothèque impériale à lui assigner pour auteur Antoine de La Salle. Il n'y avait aucune certitude, aucune preuve de ce fait ; il n'y aurait tout au plus qu'une simple présomption, et cette présomption doit disparaître devant un fait à notre feus concluant et sans réplique : les trois manuscrits qui accompagnent ce petit Traité du Costume militaire sont signés, tandis que lui seul ne l'est pas, et notre exemplaire ne l'est pas davantage. Dans quel but le copiste aurait-il, sur deux copies différentes, omis le nom de l'auteur qu'il a soin de restituer sur les autres traités écrits par lui pour en composer un volume destiné sans doute à récréer les loisirs d'un homme de guerre ou d'un grand seigneur ? car, tous sont de la même main, sur le même papier, avec les titres de chapitre et les lettres initiales à l'encre rouge. Il est possible que ce traité soit d'Antoine de La Salle, mais rien ne le prouve, et dans le silence du copiste nous croyons que l'on trouvera plutôt la preuve du contraire. Ce n'est donc pas faire tort à Antoine de La Salle, déjà bien riche par lui-même et que quelques écrivains compétents regardent comme l'un des premiers prosateurs de son temps, que de lui retirer la paternité de cette courte étude, mais sans savoir à qui la restituer. Ce travail restera donc forcément l'oeuvre d'un inconnu, d'un homme de guerre sans doute, car il ne devait appartenir qu'à un homme portant ou ayant porté le harnois d'en si bien et si minutieusement décrire les moindres détails et l'usage.
Le premier projet de l'auteur avait été de donner une description complète du costume tant militaire que civil de ses contemporains. Mais, soit qu'il eut craint « d'ennuyer de parolles, » soit pour tout autre motif, il retrancha de son programme la description du costume civil et la remplaça, dans le manuscrit original par une miniature représentant les vêtements « que en lan Mil IIIIc XLVI, XLVII, XLVIII portoient tant gentilzhomes que gentilzfemes, en teste et sur leurs corps. » Si la miniature nous manque, il nous reste au moins une date certaine pour fixer l'époque à laquelle l'auteur a écrit son traité, cette date, c'est 1448.
Le style de notre manuscrit est concis et ses descriptions précises, mais laconiques. Nous avons jugé à propos de les compléter par des notes étendues, des dissertations, pour ainsi dire, appuyées par des exemples puisés aux meilleures sources et dans les plus importantes collections d'armes publiques et particulières. Le public, notre juge, dira si nous avons bien fait.
Note complémentaire : Dans ses notes et commentaires, l'auteur de l'ouvrage se réfère aux collections du Musée d'artillerie. En 1905, ce musée a fusionné avec le Musée historique de l'armée pour devenir le Musée de l'armée à Paris. Les collections citées dans l'ouvrage peuvent y être observées.