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Icy après sensuit la façon comment les gens de guerre du royaulme de France, tant à pié comme à cheval, sont habillez en la manière et usance de le guerroier quilz font contre leurs ennemis.

Item aussi la faczon coment oudit royaulme tant hommes que femmes se habillent en vestemens aujourdhuy ; desquelx habillemens passeray légièrement à les desclairer, pour ce que plus souvent que autres generacions rechangent voulentiers faczon de vesture ; aussi après metray la manière de leurs dancez qui aujourdhuy court oudit royaulme de France, de leurs festoiemens, et aussi comment et en quelz harnoys ilz joustent.

Et premièrement, lesdiz homes darmes sont armez voulentiers, quant ilz vont en la guerre, de tout harnois blanc (1) : c'est assavoir curasse close, avant-braz, grans gardebraz, harnois de jambes, gantelez, salade à visière (2) et une petite bavière qui ne couvre que le menton (3).

Item, les aucuns portent différance en harnois de braz, de teste et de jambes ; premièrement la différance du harnoys de teste, cest assavoir de biquoques et de chappeaulx de Montaulban. Et premièrement, les biquoques (4) sont de faczon à que sur la teste, en telle forme et manière come ancienement les bacinez à camail souloient estre, et d'autre part vers les aureilles viennent joindre aval, en telle forme et faczon comme souloient faire les berniers.

Item, et les chappeaulx de Montaulban (5) sont rons en teste à une crefte ou meilleu qui vait tout du long, de la haulteur de deux doiz, et tout autour y a ung avantal de quatre ou cinq doiz de large en forme et maniêre dun chapeau.

Item, et la tierce armeure et la plus comune et la meilleure à mon semblant est l'armeure de teste qui se appelle sallades, car elles couvrent tout la plus part du coul derrière et toute la temple, loreille et la plus part de la joue, et davant couvre le fronc jusques au sourciz. En laquelle sallade y a une visière petite, laquelle visière quant elle est abessée recouvre les yeulx, le nés et la bouche ; ainsi ne reste à couvrir que le menton et la gorge, et vient batre de lames jusques quatre ou cinq doiz sur la pièce de ladicte cuirasse bien gentement et à poinct (6).

Item, quant à avant braz, il y en a de deux faczons come devant est dit ; cest assavoir : les ungs et les plus comuns qui se font à Milan (7), qui se tiennent de pièces ensemble depuis la jointure de la main jusques à quatre ou à six doiz près la jointure de lespaulle hault. Et si vous me demandez de quantes pièces ilz sont faiz, je vous respons quil n'est ja besoing que je le déclaire plus particulièrement, car tout le monde le scet, et est si en usaige que ce ne seroit à moy que perdre parolles et temps (8) : si non en tant que oudit avant-braz sénestre y a une garde dun pié en ront, façonnée presque en la faczon dun cueur, c'est assavoir la pointe couvrant le code et faicte en arreste, et l'autre partie contraire est ployée ou meilleu, laquelle ployeure couvre le plet du braz (9). Et quant le braz est ployé, ladicte garde couvre depuis le gantellet, ou à peu près, jusques au bort du garde-braz.

Item, et l'avant-braz du braz droit est pareillement fait de pièces et couvre aussi hault le braz droit, come le sénestre avant braz fait le braz sénestre : mais la garde en est la moictié plus petite que l'autre, ne n'est pas faitte en ceste faczon du costé du coude come chascun scet, et oultre plus est depuis la ployeure du garde-braz contremont double, laquelle chose fut ordonnée pour le rencontre de la lance.

Item, lautre faczon davant-braz sont lesquelx sont faiz de trois pièces, cest assavoir une pièce qui couvre depuis la ployeure de la main jusques à trois doiz près la ployeure du braz ; et depuis la ployeure du braz y en a une autre qui vient jusques à hault de la joincture de lespaulle, à quatre doiz près. Pardessus lesquelles deux pièces y en a une autre qui couvre le code et la ployeure du braz et partie des autres deux pièces aussi, lesquelles trois pièces sont pareilles tant au braz droit que au sénestre ; et se atachent avecques eguilletes (10).

Item, quant au harnoys de jambes, l'une des faczons est clox davant et derrière par le bas, ainsi que on le faict à Millan, et à grandes gardes au genouil, et ung pou de mailles sur le cou du pié ; et l'autre faczon du harnoys de jambes est tout pareil à l'autre cy deffus déclairé, si non en tant que par la jambe bas s'en fault trois doiz que ne soit cloz, et ont les gardes plus petites endroit le genoil (11).

Item, les archiers portent harnoys de jambes (12), sallades comme deffus est dict (13), gros jacques doublés de grant foyson de toylles (14) ou brigandines (15), arc ou poing et la trousse au cousté (16) : et ny use len point si communuement darbalestres comme ès autres lieux, excepté pour garder les places (17) .

Item, y use len encores dune autre manière de gens armez seulement de haubergeons (18), sallade, gantellez et harnoys de jambe ; lesquelx portent vouluntiers en leur main une faczon de dardres qui ont le fer large, que len appelle langue de boeuf (19), et les appelle len coustilleux (20).

Item, quant à faczon de dagues et d'espeez, tant de hommes darmes, de coustilleux, et d'archiers, sont ainsi que après sensuivent : premièrement, lesdiz hommes d'armes les portent courtes et pesantes, et sont d'estoc et de taille (21), et les dagues longues (22) ; item, lesdiz coustilleux portent voluntiers fueilles de Catheloigne ung pou longuetes et estroites (23), et sont ung bien pou roides, et dagues pareilles ; item, les archiers les portent longues, tranchans come rasouers, et sont à deux mains (24), et ont dagues plus longues que les hommes d'armes ne les coustilleux, et tranchent aussi comme rasouers (25) ; et portent arcs d'if (26) et flèches de quatre palmes ou quatre palmes et demy de long et plus, et les fers à deux tranchans en forme de barbeleure (27).

Item, en leur faczon de guerroier ont trois choses bien espécialles et de grant recomandacion pour toutes gens usans ou voulans user la guerre et exerciter leurs corps en armes : dont la première si est que lesdiz François sont de corps prompts entrepreneurs et assaillans leurs enemis sans bargigner ne marchander ; l'autre si est que en assaulx sont aspres combateurs et durs aux horions ; l'autre si est qu'il n'y a nul deulx ou vroiement la plus part qui naye bien couraige de valoir à combatre corps à corps aultruy de quelque nacion qu'il soit (28) ; et sont volentiers gentement armez et plus apparaument et netement que autres nacions que soit. Mais plust à Dieu quilz fussent aussi obeissans à leurs chiefz et capitaines comme de leurs corps sont vaillans et habandonniez au péril de la fortune ; car, plus souvent leur prouesse sortiroit à fruit de victoire par la règle et moderacion de la raisonnable conduitte, et le labour de la peine de leur corps ne seroit pas si souvent en vain perdu ; car je ose bien dire et maintenir que tenir ordre et estre obeissant à son cappitaine doit estre repputé pour plus grant vaillance que monstrer la prouesse de son corps désordonnément oultre tout le comandement et ordonnance. Et à ce propos, trouverez en Titus Livius que les Romains faisoient plus aspre justice des transgresseurs leurs comandemens et ordonances par ardeur et vaillance de leurs corps, que des laches récréans et couars, et l'excécucion de Turcart contre son filz vaille ycy pour exemple (29) .

Item, après quant au fait des vestemens, tant des homes que des femes, pour non user de prolixité et non ennuyer de parolles, n'en décleray autre pour le présent, sinon que en l'an MIL IIIIc XLVI, XLVII, XLVIII, portoient tant gentilzhomes que gentilzfemes, en teste et sur leurs corps, la propre forme et faczon en telle manière comme cy davant est paint. Si me en tays atant, car par la painture le pourrez aussi bien comprendre, comme fi je le bailloye par escript (30).

Mais quant à la faczon de leur harnoys de jouste, suis content de le vous déclairer plus largement, affin que pour lavenir ceulx qui voudront jouster y preignent exemple, soit de y adjouster ou de y oster, comme mieulx verront et congnoisteront y estre néceffaire.

Et tout premièrement vueil commancer au harnoys de teste, cest assavoir au heaume, lequel est fait en ceste faczon, comme cy après me orrez déclairer ; et premièrement lesdiz heaumes sont, sur le sommet de la teste jusques à la veue, fors et espes (31) et ung pou sur le rondelet, par faczon que la teste ne touche point encontre, ainçois y peut avoir espace de troiz doiz entre deux (32).

Item, de dessobz de la veue du heaume (33), qui arme par davant tout le visaige depuis les deux aureilles jusques à la poitrine et endroit les yeulx qui s'appelle la veue, avance et boute avant troiz bons doiz ou plus que n'est le bort de dessus (34) ; entre lequel bort de deffus et celuy de dessobz ny a bonnement despace que ung bon doy et demy pour y povoir veoir, et n'est ladicte veue, tant dun cousté que dautre, fendue que environ dun espan de long, mais voulentiers vers le cousté sénestre est ladicte veue plus clouse et le bort plus en bouty dehors que n'est de lautre collé droict (35).

Item, et ledit dessobz ladicte veue marche voluntiers sur la pièce de dessus la teste deux bons doiz, tant dun cousté que dautre de la veue, et cloué de fors clox qui ont les uns la teste enbotie, et les autres ont la teste du clou limée affin que le rochet ny prengne (36).

Item, la pièce dessusditte qui arme le visaige est voluntiers large et destendant presque dune venue jusques à la gorge, ou plus bas, affin quelle ne soit pas si près des visaiges quant les cops de lance y prennent. Ainçois qui le veult faire à point fault quil y ait quatre doiz despace du moins entre deux (37). Et à ceste dicte pièce, du costé droict de la lance, endroit la joue, deux ou trois petites veues qui viennent du long depuis le hault de la joue jusques au collet du pourpoint, affin que l'en nait schault dedens le heaulme, et aussi affin que on puisse mieulx ouir ou veoir celuy qui le sert de la lance (38).

Item, l'autre pièce dudit heaume arme depuis les aureilles par darrière le long du coul jusques trois doiz sur les espaulles par bas, et par hault, aussi jusques à trois doiz sur la nuque du coul. Et vient faczonnée une arreste aval qui vient en estroississant sur le collet du pourpoint, et se relargist sur les espaulles en deux ; laquelle pièce dessusdicte nest jamais faicte forte ne espesse, ainçois la plus legière que on la peult faire est la meilleure (39) ; et pour conclusion faire ces trois pièces dessusdictes font le heaulme entier (40).

Item, les escuz à quoy on jouste en France sont faiz de bois premièrement dun doy espès, et nervez tant dedans que dehors dun doy espès ou moins ; et sur ladicte nerveure par dehors est couvert de petites pièces larges et carrées du grant dun point deschiquier de tablier, qui sont faictes dos le plus dur que len peut trouver, et le plus comunément sont faictes de cornes de serf endroit la couronne, de lendroit proprement de quoy len fait les noiz aux arbalestres (41).

Item, ledit escu, depuis deux doiz de dessobz la veue du cousté sénestre jusques demy pié plus bas que le code, et de largeur du moins trois espans ou trois espans et demy, et est fait carré par dessus, excepté que, depuis la moyctié de la largeur de lescu au hault, il est voluntiers eschancré de trois doiz de bas, et ledit escu ront par dessobz et enfoncé ou meilleu de trois ou quatre doiz, laquelle enfonceure luy donne façon dune petite vesture qui sert à estre plus aisé à conduire de la main le cheval (42).

Item, et fait len voulentiers deux partuis de lescu pour atacher la tresse à quoy il est pendu au coul à ung demy pié et troiz doiz depuis le plus hault dudit escu en avan, et autant pareillement du long et de la largeur vers la partie sénestre, laquelle proporcion ainsi mesurée, à mon advis, quant ledit escu na point plus de long ne de large que cy dessus est dit, est à point et bien proporcionnée, sauf et reservé en tout et par tout la correction de ceulx qui y vouldront dire pour le mieulx (43).

Item, quant à larmeure du corps, il y en a de deux faczons ; cest assavoir : la premiere comme curasse à armer saufve que le voulant est clox et arresté à la pièce, par faczon que le voulant ne peut aller ne jouer hault ne bas (44).

Item, lautre faczon est de brigandines ou aultrement dit currassines, couvertez et clouées par pièces petittes depuis la poitrine en a bas, ne ny a aultre différance de celle cy aux brigandines que on porte en la guerre, sinon que tout ce que contient la poitrine jusques aux faulx est dune seulle pièce et se lace du costé de la main droite ou par darrière du long de leschine (45). Item, larrest est espès, grox et matériel au plaisir de celui qui le fait faire (46).

Item, oudit harnoys de corps y a principallement deux boucles doubles, ou une boucle double et ung aneau limé, ou meilleu de la poitrine, plus hault quatre doiz que le faulx du corps, et lautre du cousté sénestre longues ; de lautre ung pou plus haulte : lesquelles deux boucles ou aneau sont pour atacher ledit heaume à la curaffe ou brigandine ; cest assavoir : la première sert pour metre une tresse ou corroye oudit heaulme à une autre pareille boucle comme celle là, qui est oudit heaume clouée sur la pate dudit heaume davant le plus à lendroit du meillieu du travers que len peult, et ont voulentiers lesdictes tresses et couvertures de cueur trois doubles lun sur lautre ; lautre seconde boucle ou aneau à main sénestre respont pareillement à une aultre boucle ou aneau qui est oudit heaulme à la sénestre partie sur la pate dudit heaulme ; et ces deux boucles ou aneaux sénestres servent espéciallement pour la buffe (47), cest assavoir que quand le rochet atache (a touché) sur le hault de lescuczon ou heaume, ceste tresse ou courroye dessusdicte garde que le heaulme ne se joigne à la joe sénestre par la faczon que ledit jouteur en puisse estre depis (48).

Item, en ladicte brigandine ou curasse y a en la sénestre partie en la poitrine, près du bort du braz sénestre, à ung doy près endroit le tour du braz hault, troiz doiz plus bas que la boucle de quoy on lasse ladicte brigandine sur lespaulle, ung crampon de fer du gros dun doy en ront, dont les deux chefz sont rivez par dedens et ladicte pièce au mieulx quil se puet faire, et dedens dudit crampon se passe deux ou trois tours une grosse tresse bonne et forte qui depuis passe parmy la poire, laquelle poire est assise et cache ledit crampon ; de laquelle poire la haulteur est vouluntiers dun bon doy, sur laquelle lescu repose, et est ataché par lesdits pertuys dudit escu de la tresse qui est atachée audit crampon, laquelle sort par le meilleu de ladicte poire (49).

Item, en ladicte curasse y a darrière, ou meilleu du creux de lespaulles, une boucle ou aneau qui sert pour atacher une tresse ou courroie à une autre boucle du heaulme darrière, si que le heaulme ne chée davant, et affin aussi que la veue soit de la haulteur et demeure ferme que le jousteur la vieult (50).

Item, oultre plus en ladicte curasse y a ung petit aneau plus bas que nul des aultres, assis plus vers le faillement des coustez à la main sénestre, auquel len atache dune aultre legière tresse la main de fer, laquelle main de fer est tout dune pièce et arme la main et le braz jusques troiz ou quatre doiz oultre le code (51).

Item, depuis le code jusques au hault, cache (cachant) tout le tour de lespaulle y a ung petit garde braz dune pièce, et se descent jusques sur le code quatre doiz (52).

Item, à la main droite y a ung petit gantellet lequel se appelle gaignepain : et depuis le gantellet jusques oultre le code, en lieu de avant braz, y a une armeure qui se appelle espaulle de mouton, laquelle est faczonnée large endroit le code, et se espanouist aval, et endroit la ploieure du braz se revient ploier par faczon que, quant len a mis la lance en larrest, laditte ploieure de laditte espaulle de mouton couvre depuis la ploieure du braz ung bon doy en hault (53).

Item, pour armeure de lespaulle droite y a ung petit garde braz fait à lames, sur lequel y a une rondelle joignant une place, laquelle rondelle se haulse et se belle quant on vieult metre la lance en larrest, et se revient recheoir sur la lance quant elle est oudit arrest, par telle faczon quelle couvre ce que est désarmé en hault dentre la lance et ledit garde braz (54).

Item, aussi oudit royaulme de France se arment de harnoys de jambes quant ilz joustent (55).

Item, quant à la faczon des estacheures dudit harnoys par bas, si que il ne sourmonte point encontremont par force des copz, je men passe à le déclairer pour le présent, car il y en a pluseurs faczons (56). Ne aussi daultre part ne me semble pas si quil se doye divulguer si publicquement (57).

Item, quant est des lances, les plus convenables raisons de longueur entre grappe et rochet, et aussy celles de quoy on use plus communuement est de treze piez ou de treze piez et demy de long (58).

Item, et lesdiz rochez sont vouluntiers de ouverture entre chascune des trois pointes de deux doiz et demy ou trois au plus (59).

Item, lesdictes grappes (60) sont voulentiers plaines de petittes pointes agues (aiguës) comme petiz dyamens, de grosseur comme petittes nouzilles, lesquelles pointes se viennent arrester dedens le creux de larrest, lequel creux de larrest plain de bois ou de plomb affin que lesdittes pointes ne puissent fouir, par quoy vient ladicte lance à tenir le cop : en faczon quil fault que elle se rompe en pièces, que len assigne bien ou que le jousteur ploye leschine si fort que bien le sente.

Item, les rondes dessusdictes lances ne couvrent tout autour au plus aller que ung demy pié, et sont vouluntiers de trois doiz despès de bourre feutrée entre deux cuirs, du cousté devers la main par dedens (61).

Et oultre plus pour faire fin à la manière que len se arme en fait de jouxtes ou pais et contrée que jay cy desous déclairé, ne diray aultre chose pour le présent, sinon que ung bon serviteur dun jousteur doit regarder principallement trois choses sur son maistre avant quil luy donne sa lance ; cest assavoir que ledit jousteur ne soit désarmé de nulles de ses armeures par le cop précédent ; laultre si est que ledit jousteur ne soit point estourdy ou méhaigné pareillement par ledit cops précédent quil aura eu ; le tiers si est que ledit serviteur doit bien regarder sil y a autre prest sur les rengs qui ait sa lance sur faulte (62), et prest pour jouster contre sondit maistre, affin que sondit maistre ne tienne trop longuement sans faire course la lance en larrest, ou quil ne face sa course en vain et sans que autre vienne à lencontre de luy (63).

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